Les Nourrices |
« L'élevage humain est la grande industrie du Morvan,
plus encore peut-être que l'exploitation et le flottage des bois. » Un peu d'histoireCe serait en 1284, à
Paris, aux environs du Prieuré de St Eloi (une abbaye de femmes fondée en 635
sous la direction de Saint-Éloi et sous la protection du roi Dagobert Ier, qui
se situait à l’emplacement de l’actuelle Préfecture de Police de Paris) que se
seraient établies des « recommandaresses », des femmes dont l’activité était
de fournir des nourrices aux parisiens.
Pour ce faire, elles avaient recours aux services de «
meneurs » et « meneuses » qui étaient en charge de conduire les nourrices
à Paris ou d’emmener les nourrissons dans les campagnes.
Dans ce dernier cas, la santé du nourrisson n’était
sans doute pas un critère majeur, et, comme nous pouvons encore le voir de nos
jours dans les échanges commerciaux, le rôle joué par les intermédiaires
n’était pas sans conséquences. Cette installation et ce semblant d’organisation
démontrent que l’activité en elle-même existait déjà, « à l’état sauvage »,
depuis bien longtemps. La première trace d’une ordonnance, attribuée à Jean
le Bon (Jean II) daterait du 30 janvier 1350 (Pour mémoire, Jean II succéda à
Philippe VI de Valois).
Toutefois, les « Annales d’hygiène publique » publiées
en 1842 n’excluent pas qu’un texte plus ancien aurait pu apporter un début de
réglementation à cette activité, mais faute de documents l’attestant, se
rallient à cette première trace : « Un tel état de choses ne
pouvait être toléré plus longtemps ; on dut constituer, d’une manière plus
régulière et plus stable cette ébauche administration. Il est à croire que
c’est vers la fin du 12ème siècle que remonte l’existence légale des bureaux
des nourrices. Les chartes de ces institutions sont perdues. La date échappe
et l’on ne peut actuellement invoquer une ordonnance, plus ancienne que celle
du roi Jean du 30 janvier 1350, ainsi conçue.
-1- Nourrices nourrissant
enfant hors de la maison du père et de la mère gaigneront et prendront cents
sols l’an, et non plus, et celles qui jà sont allouées reviendront audit prix,
et seront contraintes faire leur temps et qui fera le contraire, il sera à 10
sols d’amende, tant le donneur comme le preneur.
-2- Les recommandaresses qui
ont accoustumé à louer chamberières et les nourrices auront pour commander ou
louer une chamberière 18 deniers tant seullement, et d’une nourrice 2 sols
tant d’une partie comme d’autre, et ne les pourront louer ne commander que
une fois l’an et qui en prendra ne donnra, il l’amendera de 10 sols, et la
recommandaresse qui 2 foiz en ung an allouera chambrière ou nourrice, sera
punie par peine de corps ou pilori ou autrement. » Voir ce texte sur BNF-Gallica : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5823044k/f50.item.r=commandaresse.zoom
(Nota : selon les sources et les éditions, le montant
des amendes est différent) Cet état dura 3 siècles sans qu’aucune nouvelle loi ou
réglementation quelconque n’apparut. En 1611 un arrêt du parlement précisa «
la condamnation à 50 livres d’amende et à la prison pour la première fois
et à une punition corporelle en cas de récidive les meneurs conduisant les
nourrices ailleurs qu’au bureau des recommandaresses et à une amende aux sages
femmes et aubergistes recevant retirant ou louant des nourrices » Même les aubergistes étaient donc « impliqués » dans
ce qu’il faut bien appeler le trafic des nourrices… D'autres ordonnances vinrent ensuite durcir les règles
applicables aux nourrices et alourdir les sentences, mais aussi élargir le
cadre de cette activité. C’est notamment le cas de l'ordonnance royale du 29
janvier 1715 qui porte de 2 à 4 le nombre de bureaux des recommandaresses à
Paris. Puis ce fut l'ordonnance de 1724, la sentence du
Châtelet (Paris) du 1er juin 1756 et celles de 1757 et de 1762 qui
n’apportèrent rien de particulier à la sécurité des enfants mais luttaient au
moins contre les abus. Les abus justement, ils furent tels qu’en 1769 un édit
royal y mis un terme en supprimant purement et simplement les institutions des
«recommandaresses». Voir le texte sur BNF-Gallica, Répertoire de
l’administration et de la comptabilité des établissements de bienfaisance,
Bureau des nourrices, Pages 326 à 335 :
Les bureaux de placementLe 1er janvier 1770
(déclaration du 12 juillet 1769), l’institution des « recommandaresses »
devient une branche de l'Administration publique, le « Bureau Général des
nourrices et recommandaresses pour la ville de Paris », également appelé « Le
Grand Bureau », « Le Bureau municipal » ou encore « Le Bureau Général des
nourrices ». Rien ne change vraiment.
De son côté, la Révolution apporta une certaine
réglementation dans l’aide aux enfants et aux familles. Cliquez ICI pour voir le texte
de la convention du 28 juin 1793 (page 362 de ce document)
En 1821, il devient « Direction Municipale des
nourrices », couramment dénommé « Bureau Sainte-Apolline » (du nom de la rue
dans laquelle il « trônait » en 1804).
Dépendance de l’Administration des hospices, il est
devenu une Direction de l’Assistance Publique par une loi du 10 janvier
1849. Ce bureau était chargé de centraliser le recrutement
des nourrices « sur lieu » (voir plus loin), de contrôler le travail des
meneurs (les meneurs étaient considérés comme des « hommes sans lumière »),
d'empêcher les fraudes, de loger les nourrices venant de la campagne pour
chercher des enfants, de fournir des lits et des berceaux en suffisance pour
coucher nourrices et enfants…
Mais à quels berceaux, lits et couchages avaient-elles
droit ? Un transit de misère dont personne ne parle. Globalement, la nouvelle organisation se révéla
rapidement inefficace ce qui conduisit probablement à la fermeture du Bureau en
1877. Pour de telles taches, ce bureau aurait été composé de
deux Directeurs et de deux recommandaresses. Sans autres personnels cela
paraît impossible, nous pouvons supposer qu’il y a forcément eu quelques
ratés…
Le recouvrement des sommes dues aux nourrices par les
bourgeois ne sont plus perçues par les meneurs et meneuses mais par 22
préposés désignés par le Lieutenant général de la Police de Paris (mais sur
présentation des Directeurs…).
Les sommes perçues étaient centralisées puis remises…
aux meneurs et meneuses afin qu’ils payent les nourrices, selon des
modalités bien précises et avec contrôle dit-on… (et qui contrôlait ce bel
écran de fumée
?) L'activité nourricière en MorvanToute cette activité
est résumée dans ces 2 phrases d’Ardouin Dumazet, « Voyage en France » publié
en 1893 :
« L'élevage humain est la
grande industrie du Morvan, plus encore peut-être que l'exploitation et le
flottage des bois. »
« De tout temps les
Morvandelles ont eu la réputation d'excellentes nourrices. » Il serait malgré tout puéril de penser que cette
activité ne s’adressait qu’aux seules nourrices morvandelles (appelées aussi
les «bourguignottes »).
Non seulement toutes les provinces françaises
pratiquaient cette activité mais de nombreux autres pays avaient eux aussi
développé cette « industrie », tels l’Espagne, l’Italie, l’Autriche, l’Egypte,
la Russie… En revanche, à propos du Morvan, il est généralement
dit que cette activité aurait essentiellement eut lieu entre le 19ème et le
20ème siècle et plus précisément entre 1850 et 1920.
Si cette activité, comme nous venons de le voir, a
bien débuté au 13ème siècle, cela signifierait soit que les nourrices
morvandelles ont eut bien du mal à s’imposer, soit que l’on ne parle pas (ou
pas assez) des nourrices et des enfants déplacés déjà bien avant la
révolution...
Et si ce n’était pas des morvandelles, d’où venaient
donc les premières nourrices ? L’avantage du Morvan résidait probablement dans la
proximité de cette région avec la capitale mais aussi, sans doute, dans sa
rusticité, dans la résistance de ses habitants et aussi, il faut bien le dire,
dans la pauvreté qui y régnait, favorisant ainsi les volontés de s’expatrier
et de trouver un travail lucratif.
Toutefois cette « relative » proximité, les 250 petits
kilomètres qui séparent le Morvan de Paris, était battue en brèche par
l’absence de transports. Le développement de cette activité entre 1850 et 1920
a été favorisée par l’arrivée, certes timide et tardive, du chemin de fer aux
abords de la région d’abord, puis au cœur du Morvan ensuite.
Tonnerre et Dijon ont été reliés en 1851, Chalon en
1854, Nevers en 1861, Cercy la Tour en 1866 et Clamecy en 1877… Quant-aux
«Tacots du Morvan », la ligne Corbigny – Saulieu a ouvert en 1903 pour fermer en
1939 et Autun – Château-Chinon n’a fonctionnée qu’entre 1900 et 1936.
Avant, c’était à pieds, en charrette, en diligence…
Ce qui signifie que les déplacements relevaient plus
d’une « expédition » que d’une promenade. Les familles parisiennes n’étaient guerre attirées par
ce genre de voyage. L’eussent-elles été, elles auraient probablement hésité à
recruter ces femmes qu’elles auraient découvertes vivant dans la misère et
dans une hygiène souvent très limitée. Les morvandelles quant-à elles se déplaçaient peu, et
d’ailleurs en avaient-elles les moyens ?
Seulement voilà, les nouvelles et les richesses
rapportées par les femmes ayant séjournées et travaillées à Paris en décidèrent
bon nombre malgré le
voyage. Le recrutement des nourricesLes meneurs et les
meneuses sillonnaient les campagnes à la recherche de femmes, jeunes de
préférence, et proche d’accoucher.
Ces « racoleurs » avaient sans aucun doute le propos
persuasif du bonimenteur et savaient convaincre. Toutefois, battre la campagne était peut-être un peu simpliste... L'aide de professionels n'était pas négligeable et certains accoucheurs - entremetteurs complétaient parfaitement le dispositif. Cela relevait bel et bien aussi d'une certaine l'escroquerie. La lettre écrite par un médecin-accoucheur parisien à l'un de ses confrères n'est rien moin que la mise en évidence (et l'aveu) de cette pratique. Cette lettre, disponible ici (99 pages) est assez édifiante et révele bien la prétention de l'individu... Si bien que, quelques temps après leur accouchement,
les femmes les suivaient à Paris.
Elles étaient conduites, dans des bureaux de
placements où elles attendaient qu’un futur employeur vienne les choisir, comme
un objet…
Ainsi des villages, souvent peu importants, se
trouvèrent vite dépeuplés des jeunes femmes qui partaient en laissant derrière
elles leurs maris et confiaient leur(s) enfant(s), aux grands-parents, sœurs,
cousines, à d’autres nourrices restées sur place voire même à des voisins…
Elles deviendraient des nourrices sur lieu.
Le temps d'une « Nourriture » était de deux ans
environ.
Quelques maris louaient leurs terres et partaient se
louer eux aussi à la belle saison, comme travailleurs agricoles ou chaumiers
dans d’autres provinces. Les femmes âgées restées « au pays », mais aussi de
plus jeunes ne s’étant pas risquées au voyage, comprirent vite l’intérêt
qu’elles pouvaient avoir, elles aussi, en accueillant des enfants à domicile.
En cela aussi, les meneurs et les meneuses savaient
être convaincants.
Cette activité était bien rémunérée, le complément de
revenu n’était donc pas à dédaigner.
Elles deviendraient des nourrices sèches.
Certes les enfants n’auraient pas le bon lait de la
nourrice mais qu’à cela ne tienne. Les meneurs et meneuses avaient bien trouvé leur
créneau et ne faisaient que rarement un voyage « à vide »… Les nourrices sur lieuAprès leur passage dans
les Bureaux des nourrices, les femmes sélectionnées partaient nourrir les
enfants de leurs nouveaux employeurs, des familles bourgeoises.
Mais ça c’était lorsque tout allait bien. Combien
d’entre-elles ont été « recrutées » mais n’ont pas véritablement trouvé une
place de nourrice à l’adresse à laquelle on leur avait demandé de se présenter…
Certaines finissaient donc dans des « établissements spécialisés»,
quelques-unes arrivaient à repartir… Pour une grande majorité heureusement, tout finissait
bien !
Pour l’employeur en revanche les dépenses commençaient
:
« … La directrice passe
derrière son grillage et fait le compte. Effrayant, ce compte. D'abord le tant
pour cent de la maison, puis l'arriéré de la nourrice en logement et en
nourriture, quoi encore ? Les frais de route. Est-ce fini ? Non, il y a la «
meneuse » qui va prendre l'enfant à la mère pour le reconduire au pays… »
(Alphonse Daudet, Souvenirs d’un homme de lettres – Voir
l'ouvrage ICI - Pages 84 à 93) A partir de ce moment, leur statut changeait
définitivement : elles devenaient nourrices !
Elles avaient droit à tous les égards.
Présentations respectives de la Maison des Nourrices (Alligny) et du Musée du Costume (Chateau-Chinon) - L’habillement tout d’abord, leur tenue était le
reflet de leur employeur, sans oublier que, comme l’écrivait Alphonse Daudet :
« … La première tradition,
chez les nourrices est d'arriver les mains vides…».
« Comment ! C’est votre
trousseau ?
– Oh ! Mon bon M'sieu,
j'sommes si pauvres par chez nous…
J'n'avons censément ren que
c'que j'portions sur la piau. »
- Les soins, la Nounou devait être en bonne santé.
- L’assistance, on devait lui éviter tous travaux et
tous efforts.
- L‘alimentation, pour que l’enfant profite du
meilleur lait possible.
Elles faisaient, de fait, partie de la famille,
suivant ses déplacements et profitant parfois elles-même d’une domestique.
Quelques-unes auraient eut également la chance
d’apprendre à lire (c’est dire l’importance qu’elles avaient lors de leur
retour au pays…)
Leur seule fonction, s’occuper de l’enfant, le
promener et le nourrir. En revanche, elles étaient soumises à une sorte de
censure cruelle, que bien souvent elles avaient pourtant elles-mêmes réclamé :
« ne recevoir aucune mauvaise nouvelle afin que leur lait se tarisse pas et
qu'elles puissent conserver leur emploi », y compris lorsque la mort d'un de
leurs enfants survenait.
Mais là encore il y avait censure et censure, car la
Nounou savait abuser :
« …C'est la vache qui est
morte, l'aîné des petiots qui s'est cassé le bras, la volaille atteinte
d'épilepsie. Sur le même bout de toit, le même coin de champ, c'est un
invraisemblable amoncellement de catastrophes pareilles aux plaies d'Egypte.
Cela est grossier, stupide, cousu d'un fil blanc à crever les yeux. N'importe,
il faut faire semblant d'être pris à ces inventions, payer encore et toujours,
sans quoi gare à Nounou ! Elle ne se plaindra pas, elle ne demandera rien, oh
! Non, certes, mais elle boudera, pleurnichera dans les coins, bien sûr
d'être vue. Et quand Nounou pleure, Bébé crie, parce que le gros chagrin
tourne les sangs et les sangs tournés font le lait aigre ».
Les nourrices sur placeCe sont généralement
celles qui accueillent en leur maison un ou des enfants placés par les services
de l’Assistance Publique (de Paris mais aussi de Nevers, Mâcon ou Dijon…) ou
par des parents désireux de placer leur enfant « en nourrice ».
Elles sont de deux types : Les nourrices allaitantes
et les nourrices sèches. Les nourrices allaitantes sont devenues mères
récemment et peuvent donc nourrir au sein l’enfant accueillit. Peuvent, mais ne
le font généralement pas Les nourrices sèches élèvent les enfants au
biberon.
Dans les deux cas, les enfants qui ont eut à supporter
un difficile voyage, qui n’ont pas une nourriture correcte, ne sont pas
surveillés, pas soignés, n’ont pas la résistance suffisante pour tenir plus de
quelques jours… et les familles ne savent jamais de quoi est réellement mort
leur enfant. Avant le Docteur Charles Monot, médecin à Montsauche
(Nièvre), personne ne s’étonnera du taux de mortalité de tous ces enfants
placés, ni de la cause de leur décès.
Un taux de mortalité extraordinaire : 70% des enfants
décèdent à très courte échéance, entre huit jours et trois mois après leur
arrivée dans le Morvan. La présence des enfants placés par l’Assistance
Publique se retrouve dans certains registres de recensement du début des années
1900. A la suite de la position du « Chef de famille » figuraient des mentions
« épouse », « fils », « filles » mais aussi « nourrisson ».
Quel que soit leur âge au moment du recensement et
tant qu’ils étaient dans la maison, généralement jusqu’à leur majorité (21 ans
à l’époque), c’était des « nourrissons ».
Parfois une exception se faisait, ils étaient recensés
comme « domestiques », ce qui ne laissaient pas vraiment de doute sur le cas
qui était fait de ces enfants.
La mortalité des enfantsEn 1861, le docteur
Monot adressa un rapport au Préfet de la Nièvre.
Aucun enthousiasme des autorités, quasiment aucun
retour.
Il faut dire que le docteur Monot n’avait pas non plus
fait dans la dentelle, ne négligeant aucun détail. En octobre 1865, c’est une note qu’il adressa
l'Académie de médecine sur l'industrie des nourrices telle qu'elle avait cours
dans le Morvan depuis 1850 qui déclencha une très vive émotion.
Les faits rapportés sont scandaleux voire même
monstrueux et déclencheront rapidement une enquête A la suite de son rapport, il rédigea un mémoire qui
lui, au contraire, fut unanimement adopté par l'Académie de médecine et publié
en 1867 sous le titre « De l'industrie des nourrices et de la mortalité des
petits enfants ».
Voir
ICI les textes en PDF, accompagné des débats à l’Académie Impériale de
Médecine :
Ou en ligne :
https://archive.org/stream/delindustriedes00monogoog#page/n9/mode/2up Ce document lui apporta aussi quelques vives animosités, parmi les membres du gouvernement sans doute mais aussi parmi les membres de sa propre corporation et qui plus est de ses « pays », comme en témoigne le document sans concession de Novembre 1869 rédigé par le docteur Despiotte, un Mouxois lui aussi : « De l'industrie des nourrices et de la mortalité des enfants, jugée sur la raison, la morale et l'histoire. » Voir
ICI ce document en PDF : Docteur Despiotte En 1893, Ardouin-Dumazet rapportera à ce propos :
« En 1861, dans le seul
canton de Montsauche, 2884 femmes avaient accouché, 1897 étaient parties pour
Paris comme nourrices […] Dans une seule commune, Montreuillon, huit enfants
succombaient, en huit jours, par les fatigues du voyage […] En sept ans, dans
ce canton, 449 d'entre eux périssaient faute de soins ». Les révélations du Dr Monot furent véritablement à la
base d'une législation destinée à protéger tous les enfants, qu’ils soient en
nourrice, assistés et même « moralement abandonnés ». Le 23 décembre 1874 parait la « Loi Roussel »
(Jean-Baptiste Victor Théophile Roussel, 1816-1903, médecin et député de la
Lozère en 1849) destinée à protéger les enfants « de premier âge » et qui met
en place une véritable surveillance de l’enfant par les autorités publiques.
L'article premier est ainsi rédigé :
«Tout enfant, âgé de moins de
deux ans, qui est placé, moyennant salaire, en nourrice, en sevrage ou en
garde, hors du domicile de ses parents devient par ce fait l'objet d'une
surveillance de l'autorité publique, ayant pour but de protéger sa vie et sa
santé ».
La loi qui étend la surveillance aux familles recevant
des enfants, va jusqu'à prévoir «d'accorder des récompenses honorifiques aux
personnes qui se sont distinguées par leur dévouement et leurs services.
Voir
ici : la Loi Roussel en pdf En 1877, un décret fixe à 7 mois révolus l'âge minimal
d'un enfant avant que sa mère ne puisse devenir nourrice sur lieu, la
mortalité des enfants sevrés trop tôt et nourris au biberon étant par trop
élevée. Voir ICI l'extrait de ce
décret (page 328) :
Ainsi des « médecins-inspecteurs » visitent-ils
régulièrement les enfants et les familles d’accueil et attestent des soins et
de l'hygiène prévalant dans le foyer. Ces mesures beaucoup plus sérieuses font rapidement
chuter le taux de mortalité des enfants nourris au sein.
Toutefois, l’hygiène liée à la nourriture au biberon
est encore précaire et la mortalité infantile est donc là beaucoup plus
importante (le double environ). Nota : Cliquez ICI pour voir en PDF une liste des textes légaux
dans leur version d’origine (1793 à 1945) publiée par
l’ONED (Observatoire National de l’Enfance en Danger) La mortalité des enfants due aux seuls biberons ?En 1897, le Docteur
Léon Dufour disait dans son ouvrage « Le biberon à travers les ages dans le
pays de Caux » (preuve que le problème n’était pas « que » morvandiaux) que
« le biberon était honni par le plus grand nombre des
médecins et toléré par les autres, et qu’il était devenu une nécessité devant
laquelle nous ne pouvions que nous incliner, tout en nous efforçant d'en
atténuer si ce n'est d'en supprimer les inconvénients. »
Au moyen-âge, les biberons étaient essentiellement
réalisés dans des cornes de bovins percées ou en bois tourné.
Certains étaient équipés d’une tétine rudimentaire en
chiffon, en éponge ou en cuir.
C’est au 18ème siècle que la notion d’hygiène apparaît
réellement, mais elle à plus trait au bébé qu’aux ustensiles. Du 16ème siècle au début du 20ème siècle, de nombreux
types de biberons ont été utilisés :
Terre ou gré émaillé, faïence (dont les formes
s’apparenteraient plus à nos théières d’aujourd’hui), verre, étain, buis, bois
dont les formes allaient de la tasse au pot en passant par les gourdes, les
limandes, équipés ou non de tétine dont certaines terminaient un tuyau flexible
en caoutchouc…
Les tétines en cuir ou en chiffon avaient plus ou
moins disparues mais pas les microbes (surtout dans ces fameux tubes en
caoutchouc qui finirent par être interdit). Les progrès techniques ont contribués à la diminution
de la mortalité infantile et un effort d’information a accompagné cette
avancée. Il n’en demeure pas moins qu’à la fin du 19ème siècle,
certains industriels n’hésitaient pas à éditer des ouvrages comme « l’art
d’élever les enfants au biberon » dans lesquels figurait à peu près tout,
excepté l’essentiel, l’art de nettoyer et de maintenir le biberon propre…
Ouvrage qui de surcroît était cautionné par une brochette de médecins et autres
spécialistes qui ne semblaient pas très attachés à cette question.
C’est vers le milieu du 20ème siècle que le biberon
que nous connaissons aujourd’hui est apparu.
L’évidence de l’hygiène s’est faite pressente et les
biberons stérilisateur ont vu le jour.
Aujourd'hui, non seulement ils sont hygiéniques (et
les utilisateurs sensibilisés...) mais ils arrivent même à être
autochauffants... ou presque !
Mais le biberon est-il le seul fautif ?
Le lait n’est pas totalement innocent dans cette affaire. La découverte de la faune microbienne sévissant dans
les biberons mais aussi et surtout dans le lait, a initié la mise en place
progressive de contrôles permettant notamment :
- d’éviter que le lait ne provienne de vaches
atteintes de la tuberculose,
- que du lait falsifié ne soit vendu : (falsifié par
ajout d’eau : Note sur l’analyse du lait falsifié – Douliot, 1858 mais
aussi falsifié par ajout de cervelle de veau : Annales d’hygiène publique
et de médecine légale – Tome 27, 1842, à savoir également qu’à cette époque du
lait écrémé était considéré comme falsifié),
- que la stérilisation domestique soit enseignée,
- que du lait pasteurisé puisse être vendu. Le lait et le biberon associés auront causé le décès
de près d’un tiers des nourrissons avant que la science n’en découvre les
raisons. Le docteur Charles MonotNé à Moux le 22 juin
1830, descendant de grand-père et arrière-grand-père maternels chirurgiens, sa
vocation fut vite trouvée.
Après des études à la faculté de médecine de Paris, il
s’installa dans le Morvan, dans « son » Morvan, à Moux puis ensuite à
Montsauche. Après un mariage avec une jeune fille
depuis longtemps dans la région, il eut 4 enfants ; deux filles, un fils qui ne
vécu que peu de temps, puis une troisième fille. Fortement impliqué dans la vie de sa commune, il fut
élu maire de Montsauche. Cet homme, reconnu comme bon et charitable, se lança
dans une lutte contre la mortalité infantile qui sévissait alors dans le
Morvan, cherchant à réglementer sérieusement l'industrie des nourrices. Pour ce faire, il proposa de légiférer dès 1865.
C'est hélas seulement en 1874 qu’une loi fut votée
sous l’impulsion du docteur Roussel, loi visant à encadrer cette industrie si
particulière en en fixant une limite d'âge à l'exercice et en établissant des
contrôles plus stricts de la part des autorités de l'Etat et du département. Le docteur Monot a été fait Chevalier de la Légion
d’honneur par décret du 7 août 1875 en tant que « Promoteur des Sociétés
Protectrices de l’Enfance »
Il demeura très actif sur sa commune et s’éteindra le
14 février 1914. Des hommages lui ont été rendus par ses pairs comme en
témoigne le discours prononcé par le Docteur Nolot.
Les Petits ParisIl semblerait qu’au
19ème siècle, la révolution industrielle ait conduit à un certain prolétariat
en ruinant quelques artisans et paysans notamment, les amenant à la capitale
pour vendre leurs bras.
Probablement pour cela, le manque de moyens aidant, de
nombreux abandons d’enfants apparurent.
De plus en plus d’enfants étaient abandonnés devant
l’Institut St Vincent de Paul, Hospice des Enfants Assistés (Paris-Rue
Denfert Rochereau, cette rue fut en 1879 la nouvelle dénomination de l'ancienne
rue "d'Enfert" ) ce qui nécessita l’organisation de la prise en charge de
ces orphelins par l’Assistance publique.
Sauf que ce constat parisien était en fait un fléau
national ! Dans le Morvan, les familles accueillent tout d’abord
des enfants issus des départements bourguignons
A partir de 1850, le département de la Seine propose
aux nourrices morvandelles des salaires plus élevés afin pour qu'elles
accueillent également les orphelins de la région parisienne.
Le Morvan devient alors le pays des « Petits-Paris
» Certains diront que le Morvan est une terre d’accueil,
en réalité, il faut bien le dire, c’est l’argent qu’apportait ces enfants qui
permettait et encourageait l’accueil.
Et comme partout, certaines familles aimaient beaucoup
les enfants, d’autres aimaient beaucoup l’argent… Ils étaient déjà quelques 250 000 à « devenir
morvandiaux » entre 1820 et 1850.
Pour palier l’insuffisance des bureaux de placement
parisiens, des agences furent créées en province.
En 1876, l'agence de Château-Chinon aurait été la plus
importante de France en plaçant environ 3 000 enfants par an.
Ce sont quelques 47 000 enfants supplémentaires qui
seront accueillis dans le Morvan en cette fin de 19ème siècle.
La mémoire collective « se rappelle » que ces
orphelins ont été envoyés « par trains entiers » dans le Morvan pour y être
élevés et qu’ils ont largement contribués à cette réputation de « Garderie
d’enfants » de la région.
C’est vrai mais…
C’est d’autant plus impressionnant qu’à cette époque,
en cette fin de 19ème siècle, les « Tacots », les seuls trains à pénétrer dans
le Morvan n’étaient pas encore en service… Pourquoi les a-t-on envoyé dans le Morvan ?
Hasard ? Réputation des nourrices ? Absence de
contrôles
? Les gains des NourricesIl est couramment
rapporté que, vers les années 1840, une nourrice à Paris pouvait gagner entre
400 et 500 Francs pour une "nourriture" de quatorze mois.
Au tout début du 19ème siècle, le gain pouvait être de
500 à 1 000 Francs par mois. Avant 1914, chaque nourriture aurait rapporté entre 1
200/1 500 et 1 500/1 800 Francs par an.
Les chiffres varient mais les fourchettes sont
constantes. Pour vous faire une idée de ce que représentent ces
sommes, vous ferez probablement appel à un calculateur d’inflation sur le Net
et vous obtiendrez ces valeurs :
100 francs 1901 correspondraient à 15 Euros 2015. Ces valeurs n’ont pas de réelle importance sur de
longues périodes, ajoutées au fait que les centres d’intérêts étaient très
différents et leurs coûts sans comparaisons.
Le foncier et l’immobilier étaient plus abordables
qu’aujourd’hui, la nourriture relevait quasi exclusivement des productions des
fermes, il n’y avait aucun superflu…
Le pire pour ces femmes qui s'étaient habituées au
confort et au luxe de leurs maisons d'accueil et malgré les sommes qu'elles
avaient pu envoyer pour améliorer leurs biens était sans doute de retrouver
leur chaumière et toute la précarité qui l'accompagnait Les maisons de laitLes « maisons de lait »
sont les habitations qui ont été construites, agrandies ou embellies
essentiellement avec l’argent des nourrices.
Bien que le métier ait disparu, cette appellation est
toujours employée de nos jours. Les « nourrices sur lieu », qui pouvaient facilement
gagner le double des « nourrices sur place », envoyaient chaque mois leurs
gains à leur famille.
Cet argent servait à remplacer les chaumes des toits
par des ardoises, à agrandir le cheptel, à acheter quelques arpents de terres,
à construire une pièce supplémentaire à la chaumière voire à en construire une
nouvelle… rarement à acheter du mobilier ou des articles de confort… Pour ou contre les Nourrices ?Si globalement cette
profession était reconnue et appréciée, certains et non des moindres, avaient
une certaine tendance à vouloir la descendre en flamme.
Pour :
Joseph Bruley rappelle que dans l’antiquité, le
célèbre géographe grec Strabon, affirmait la supériorité des femmes gauloises
« comme mères et comme nourrices.» Ardouin Dumazet a écrit en 1893 «...
De tout temps, les Morvandelles ont eu la réputation d'excellentes
nourrices. C'est dans la race... Il semble que par un phénomène d'atavisme,
la souche ait été marquée ainsi… » Contre : Radicalement contre,
Alphonse Daudet dans ses « Souvenirs d’un homme de lettres » publié en
1888, réserve un chapitre assassin aux « nounous », et pas seulement aux
morvandelles, mais aussi au commerce qui en est fait.
Tout y passe, les nounous au jardin,
« … Nounou radieuse, reposée,
ayant aux lèvres un sourire de perpétuelles relevailles, promène tout autour
un regard vainqueur, dresse la tête… »
Les Nounous au jardin
(Images Internet) les bureaux de placements,
« …On entre : un pupitre, un
guichet grillé, le dos de cuivre d'un grand-livre, du monde qui attend sur des
banquettes, l'éternel bureau, le même toujours, également correct et froid,
aux halles comme à la Morgue, qu'il s'agisse d'expédier des pruneaux ou
d'enregistrer des cadavres. Ici c'est de la chair vivante qu'on trafique…
» le service,
«… - De combien votre lait,
nourrice
– De trois mois, M'sieu.
Leur lait est toujours de trois mois. Voyez plutôt :
du corsage entr'ouvert un long filet blanc a jailli, riche de sève campagnarde.
Mais ne vous y fiez pas : ceci est le sein de réserve que jamais l'enfant ne
tette. C'est l'autre côté qu'il faudrait voir, celui qui se cache honteux et
flasque. Sans compter qu'avec quelques jours d'absolu repos, toujours un peu de
lait s'emmagasine… » le besoin,
« … Avant toute chose, il va
falloir la renipper, la vêtir. C'était prévu. La première tradition, chez les
nourrices, comme chez les flibustiers allant au pillage, est d'arriver les
mains vides, sans bagages encombrants ; la seconde est de se procurer une
grande malle, la malle à serrer la denraie… » Moissons et VendangesQuelques auteurs
laissent entrevoir le fait que la nouvelle nourrice se soit fait rare lors des
moissons ou des vendanges… Il semble que ce soit vrai mais là encore, Alphonse
Daudet dont l’opinion était définitivement faite, ne laisse planer aucun
doute :
« … Chose à remarquer, le
marché aux nounous, à Paris, suit les fluctuations de la vie rustique. Rare les
années de récolte, la nourrice afflue en temps de disette ; mais que l'année
soit mauvaise ou bonne, elle devient presque introuvable pendant la moisson et
la vendange, au moment des grands travaux, des champs…» Tristes institutionsToutes les
institutions n’étaient probablement pas blâmables. Seulement voilà, de
nombreuses n’étaient pas sans reproches… Et cet univers n’intéressait hélas pas
grand monde.
Le cas le plus triste, du moins pour le Morvan, est
celui des « Vermiraux » (déjà cité sur ce site, voir Ville de Quarré-les-Tombes =>
Chapitre « Quelques Hameaux »)
Ce qui est curieux dans ce beau Morvan, c’est la
capacité de ses habitants à vouloir – ou à pouvoir – oublier. Si ce phénomène
tend bien heureusement à s’estomper fortement, il n’en demeure pas moins
toujours présent.
A Quarré-les-Tombes on ne se souvient pas trop que de
telles choses aient pu avoir lieu ici, on n’a rien su…
C’est exactement ce qui s’est passé pour la commune
d’Arleuf qui a accueilli « Le camp des Blandins », un camp de réfractaires lors
de la grande guerre… (voir sur ce site « Le camps
des Blandins »).
En fait, tout le monde (ou presque) savait et
profitait, et tout le monde avait d’autant plus intérêt à se taire… Pourtant, des Vermiraux il reste quelque chose, une
phrase, une menace : « Si tu n’es pas sage, tu iras aux Vermiraux… ». Dès 1907, les Vermiraux deviendront un enfer pour les
orphelins.
En 1910, préférant la prison aux mauvais traitements,
ils se révoltent et « saccagent » (c’est à l’époque, le terme employé pour peu
de dégâts en réalité…) l’établissement. Les forces de l’ordre ayant du
intervenir, découvrent la réalité des faits et selon l’une des déclarations au
procès, « ces enfants n’avaient plus rien d’humains.
Ils étaient une dizaine contre le mur rampants, sales, décharnés, à moitié
vêtus. » A écouter « les enfants révoltés de Vermiraux » (35
minutes) sur : http://www.europe1.fr/mediacenter/emissions/au-coeur-de-l-histoire/sons/les-enfants-revoltes-de-vermiraux-725737"
target=" L’orphelinat des Vermiraux, qui aurait hébergé
quelques centaines d’enfants, fut fermé en 1910. Ce fut le lieu d’abjects faits
de maltraitance infantile. Un procès débuta le 18 juillet 1911 mettant en avant
les carences de l’administration, les insuffisances et les complaisances des
ministres de la III ème république (les noms des ministres de l’époque sont
rappelés dans ce lien, chapitre « Quelques hameaux »). Dans son journal de l’année 1911, Mathieu Tamet alors
Directeur de l’agence des enfants assistés de la Seine entre 1896 à 1919 et
Maire d’Avallon de 1912 à 1919, raconte le procès (Voir
ce document ICI, à partir de la page 62).
Son récit en dit long sur la mentalité des «
tenanciers ».
Le jugement a bien eu lieu, les peines et amendes
(bien légères eut égard aux faits et aux profits) ont été prononcées. Mais tout
cela parut rapidement sans intérêt comparé à cette grande guerre qui
approchait… et qui eut lieu.
Les coupables ont traversé cette difficile période
sans encombre et sont revenus s’installer au village « pour montrer leurs
bijoux à la messe du dimanche » comme il est souvent écrit.
Quelle importance avait leurs crimes à côté des
millions de morts ?
Le 20 Novembre 2018, un film sur les Vermiraux, "La révolte des innocents", a été présenté sur "France 3". Ci-dessous une photo du tournage qui s'est déroulé au Chateau de Bazoches, demeure du Maréchal Sébastien Le Prestre, Marquis de Vauban. Ce téléfilm a été rediffusé le 27 janvier
2020 sur France 5, en voici 2 images extraites où l'on voit la révolte des
enfants après la mort de Gaston et le moment où ils préfèrent tous être
coupables parce que mieux traités en prison... Les fontaines miraclesJadis et depuis les
Gaulois, de partout en Morvan, on trouvait des sources et des fontaines où les
femmes venaient tremper leurs seins et boire l’eau qui leur permettrait
d’avoir du lait en quantité pour nourrir leurs enfants.
Il semble pourtant qu’une certaine alimentation était
en concurrence directe avec les fontaines : « La
farine d'avoine entrait pour beaucoup dans l'alimentation de la population
rurale et donnait aux femmes une abondance de lait qui les faisait rechercher
comme nourrices ». Les fontaines étant plus folkloriques, citons-en
quelques-unes : - Au Mont Beuvray, à la fontaine Saint-Pierre , les
nourrices venaient y baigner leurs seins car elle était réputée pour provoquer
une abondance de lait. - La fontaine Sainte-Agathe de Corbigny était aussi de
celles-là.
Sainte « Gate » comme elle était appelée, était
considérée comme la protectrice des femmes mais aussi et surtout, des
nourrices.
Sa particularité aurait été d’accueillir les nourrices
ayant déjà beaucoup œuvré et dont le lait était épuisé.
- La fontaine de Chaumes, près de Moulin-Engilbert,
aurait eut le pouvoir de donner ou de redonner du lait aux nourrices.
Toutefois, bien en avance sur son temps, cette
fontaine aurait eut ce même pouvoir pour celles qui, ne pouvant s’y rendre en
personne, envoyaient pour l’y tremper, une chemise du nourrisson à allaiter…
D’innombrables autres fontaines avaient cette même…
spécialité. - A Saint-Léger-sous-Beuvray, pour avoir du lait, les
nourrices se rendaient à la fontaine de Sainte-Walburge, où elles déposaient
un fromage. - A Fleury (près d'Autun) mais aussi à Saint-Languy,
au bourg de la Comelle, à Glenne, à la Grande-Verrière, à la naissance d'un
enfant une poupée d'étoffe (ou tout objet de toile ressemblant) était jetée
dans la fontaine.
La croyance voulait que si la poupée (ou le chiffon)
surnageait, la vie de l’enfant serait protégée. S’il avait une certaine
tendance à couler, c’était l’arrêt de mort du chérubin. - La fontaine de la Certenue avait été dédiée à celles
que l’on surnommait « les trois mères » (les trois dames sœurs). D’après la
légende, lorsqu’elles se séparèrent, elles s'établirent en trois lieux. L’une
d’elle s’installa à la Maison-Dru qui disposait d’une fontaine dont l’eau était
propice aux nourrices. - Dans certaines fontaines, les nourrices venaient se
laver les seins pour obtenir du lait. Pour ce faire elles déposaient aussi sur
ses bords un sou ou un
œuf. Hommage à Jean GenetC’est probablement le
plus célèbre des « Petits Paris »
Jean Genet, écrivain, poète et dramaturge
(1910-1986) est né de père inconnu et fut abandonné à l'âge de 6 mois par sa
mère, Camille Gabrielle Genet. Recueilli par l’Assistance Publique, il fut comme tant
d’autres, placé dès son premier âge dans une famille nourricière à
Alligny-en-Morvan, Chez Charles et Eugénie Régnier, entre
1911 et 1924.
Charles Régnier était menuisier et Eugénie tenait un petit bureau de tabac. Au décès brutal d'Eugénie en 1922, Jean fut placé jusqu'en 1924 chez Berthe, la fille d'Eugénie.
Par la suite, son côté rebelle l’a conduit entre autres : - à la colonie pénitentiaire de Mettray, pendant près
de 3 ans (La colonie pénitentiaire de Mettray est située en
Indre-et-Loire. Elle fut créée en 1839 et fermée en 1939. Cet établissement
conserve lui aussi la triste réputation d'avoir été un bagne pour enfants)
- à la légion étrangère
- et à la prison à plusieurs reprises… C’est à la prison de Fresnes qu’il commença sa
première œuvre, en 1942 : Le condamné à mort.
En 1983, il obtiendra le Grand Prix national des
lettres. Il est décédé à Paris le 15 avril 1986 De son passage à Alligny, il reste une plaque apposée
sur la maison de son enfance, avec ces mots extraits du « Journal d’un voleur
» :
«Je suis né à Paris le 19
décembre 1910. Pupille de l’Assistance publique, il me fut impossible de
connaître autre chose de mon état civil. […] Je fus élevé dans le Morvan par
des paysans.»
Enfin, ça c'est le texte que l'on retrouve un peu partout, dans les littératures... En réalité voici la plaque, un peu différente... La Maison des Nourrices à Alligny-en-MorvanLa Maison des enfants
de l’Assistance Publique et des Nourrices a été récompensée en mars 2008 par le
Trophée de l’innovation patrimoniale.
Un Jury composé par la Fondation du Patrimoine,
la Fondation du Crédit Coopératif et la Fédération des écomusées et des musées
de société a retenu ce projet comme étant « culturel
et original, centre d’interprétation, lieu de rencontre et de formation
professionnelle sur le thème du placement des enfants dans le Morvan.
La question des
origines et les limites toujours plus poreuses entre filiation biologique et
parenté qui sont apparues ont convaincu le jury de la pertinence historique
et contemporaine du sujet. »
Comme c’est souvent le cas, le Morvan ne fait pas
exception, les délais initiaux qui devaient conduirent à cette réalisation
entre mars 2009 (début des travaux fin 2010) et avril 2012 (inauguration)
auront pris un peu de retard…
Les travaux auront donc débuté en mai 2013 et
l'ouverture a eu lieu le 29 avril 2016…
La chanson de NounouLe poète morvandiau
Louis de Courmont (le « Barde »), a révélé les (vrais) sentiments de la
nourrice morvandelle dans cette attendrissante berceuse
Bébé zouli, mon biau Jésus !
Voichi mon sein plien de lolo :
Peurnez ! beuvez ! dansez dessus !
Faites dodo ! Faites risette ai lai nounou
Qu'ai Paris — chi loin de sé nou,
S'en vint vous sarvi ai zenou ! Tout comme i n petit saint vivant !
Toujou bavant, toujou mouvant,
Mal content, mal propre souvent. Quand vous riez, mon bliau séri,
Mon coeur sante le mai flieuri !
Mai las ! quand i vous vois souffri, D'lai coulique ou du mau de dents
Co moi, chu das sardons ardents,
Moi que poine et plieure en dedans Car mon bounheur, car mon souci
O de vous aimer — par ainsi
De vous voi ben hireux aussi ! Cepandiment vou grandirez
Pu tard, in Monsieur vous ferez ;
Je m'en irai — vous m'oublierez !.. Quand vous serez grand parvenu,
Songez que vous êtes venu
Tout petit au monde... et tout nu ! Songez, quand vous serez puissant,
Qu'i vous neuris, faible, innocent !
Aitou mai vie, aitou mon sang, Pendant que mon pôr petit gars
Boit du lait de bigue, là-bas ;
Et, ben souvent, o n'en ai pas ! Ne soyez ni malin, ni ch'tit :
Mais toujou montrez-vous zentit,
Pour le pôr monde et le petit ! Car les houmes sont frères tous
O devont don s'aimer teurtous
Non se miger coume das lous ! ! ! Bébé zouli, mon bliau Jésus !
Voichi mon sein plien de lolo :
Peurnez ! beuvez ! joupez dessus !
Faites dodo ! 2 Sites originaux à voirL’histoire du biberon :
Le mot Biberon vient du latin bibere, boire.
Il semblerait que cette histoire du biberon s'étende
de l'Antiquité à nos jours et pourrait se diviser en une dizaine de périodes.
Il semblerait qu’il conviendrait également de
considérer les périodes Antique et Médiévale comme peu significatives les
biberons antiques présentés dans des musées ne seraient que des "Tire-lait". Sur ce site remarquable vous trouverez tout ce
que vous voulez savoir sur le biberon : Que son auteur soit remercié pour son travail car
cette histoire est plus qu’un chapitre ! Estiennette Grandvaux… Une nourrice du
Morvan… Un blog pour le moins étrange et sympathique que son
auteur commence ainsi : « Je m'appelle Estiennette
Grandvaux et suis née le 21 juin 1862 à Alligny-en-Morvan précisément à Marnay.
Mes parents étaient paysans
comme leurs aïeux depuis des générations. Je suis allée à l'école de filles à
Alligny jusqu'à l'âge de 12 ans puis j'ai commencé à travailler à la ferme. Je
parle bien patois mais je sais lire et écrire en français aussi.
Il y a deux ans - le 1 février
1882 - à l'heure de mes 20 ans -, j'ai épousé Jean Perrin, lui aussi paysan
au Château de la Chaux à quelques kilomètres. Il est revenu vivre avec moi à
Marnay où nous avons une belle chaumière à la sortie du hameau.
L'an dernier, nous avons
baptisé à l’église notre fils Jean. Ce fut une belle fête. J'espère que Dieu me
donnera quatre ou cinq autres enfants.
Je vous donnerai des nouvelles
du Morvan et de notre vie car bien que pauvres, nous sommes fiers d'habiter
dans la montagne Morvandelle.
Alors, rendez-vous une ou deux
fois par semaine pour évoquer ma vie au travers d'anecdotes bien réelles du
pays. . . . Mes parents, mes amies, mon amour, les bons et mauvais moments de
la vie d’une Morvandelle de 22 ans en 1884. »
A voir à cette adresse : http://estiennette.fr.nf Photo d'un ancien article d'Elisabeth Berthier-Bizouard Sources documentaires- Alphonse Daudet : «
Souvenirs d’un homme de lettres »
- Joseph Bruley : « Morvan cœur de France »
- Ardouin Dumazet : « Voyages en France »
- Annales d’hygiène publique et de médecine légale
(1842).
- Brochure sur la Maison des enfants de l’Assistance
Publique et des Nourrices.
- Noëlle Renault : « Les nourrices », Editions Alan
Sutton.
- Emmanuelle Jouet : « L'affaire des enfants des
Vermiraux »
- Europe N°1, Au cœur de l’histoire, http://www.europe1.fr/mediacenter/emissions/au-coeur-de-l-histoire/sons/les-enfants-revoltes-de-vermiraux-725737
- Le site de Mathieu Tamet, Directeur de l’agence des
enfants assistés de la Seine (1896 à 1919) et Maire d’Avallon (1912 à 1919) :
www.Mathieu-Tamet.fr
- Docteur André-Théodore Brochard : De la mortalité
des nourrissons en France (1886)
- Répertoires d’admission des enfants assistés de la
Seine : http://canadp-archivesenligne.paris.fr/autres_archives_genealogiques/_repertoire_enfants_assistes/rech_ap_1761.php
- Histoire du biberon : http://www.histoire-du-biberon.com/index.htm
- Le Blog de Christaldesaintmarc : http://www.christaldesaintmarc.com/au-temps-des-nourrices-du-morvan-une-tres-interessante-conference-prop-a7254879
- Gallica
- Google Book
- ONED (Observatoire National de l’Enfance en Danger)
: http://oned.gouv.fr/
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