La bouteille de 75 cl

Le Morvan c’est la Bourgogne,
la Bourgogne c’est (aussi) le vin.

  
Extrait d'une miniature réalisée par mon ami JPL

Alors une question :
Pourquoi des bouteilles de vin, dont la contenance aurait été standardisée au XIXème siècle,
contiennent-elles 75 centilitres et non 1 litre ?

Pour l’une de ces quelques raisons toutes plus ou moins farfelues ?

- « C’est la capacité pulmonaire d’un souffleur de verre » (un petit souffleur alors…)
- « C’est la consommation moyenne au cours d’un repas » (vous avez dit moyenne ?). Il est vrai que dans les temps anciens le vin était beaucoup moins alcoolisé que de nos jours.
- « C’est la contenance optimale pour conserver le vin » (par opposition aux « packs » de vins ordinaires)
- « Cela facilite le transport » (là les « packs » seraient mieux adaptés)

Teu teu teu… Que nenni !
Alors pourquoi ?


Extrait d'une miniature réalisée par mon ami JPL

Pour quelques contraintes législatives ?

Cela se pourrait, mais non !
Une directive européenne de 2007 dont tout le monde parle autoriserait 8 volumes différents de 100 ml à 1500 ml. Pas tout à fait vrai, car s’il y a 8 volumes pourquoi avoir choisi justement celui de 75 cl et non celui de 1 litre ?
Et puis si elle autorise effectivement 8 volumes dans ce qu’elle nomme le « vin tranquille », elle prend également en compte 1 volume dans les « vins jaunes », 5 dans les « mousseux », 7 dans les « liqueurs », 7 dans les « aromatisés » et 9 dans les « spiritueux ».

D’ailleurs, si cette contenance de 75 cl a été standardisée au XIXème siècle, la directive européenne aurait « un peu » de retard, elle n’a donc fait que reprendre et officialiser une évidence.

Voir ici le texte de cette fameuse directive :
Les produits et volumes y sont décrits en annexe page 4.
(Entrée en vigueur : 11/10/2007; Fin de validité : 99/99/9999 ; Transposition: 11/10/2008)

Pour une raison historique ?

Nous approchons !
En 1152, par son mariage avec Henri II Plantagenêt futur roi d’Angleterre, Aliénor d’Aquitaine transféra sa province à la couronne anglaise.

En 1254, Henri III et le Duc d’Aquitaine accordèrent quelques privilèges aux Bergeracois en leur permettant d’expédier leur vin depuis le port de Libourne et cela sans aucune concurrence ni taxe (la « prise des vins »).

Ce commerce favorisé par l’occupation anglaise dura 3 siècles.

Après le départ des anglais, chacun chercha à garder ou combattre ces privilèges jusqu’à ce que François 1er les abolisse.

Le Bordelais est donc resté longtemps anglais 

Pour le transport ? Le commerce ?

Nous y sommes presque !
A cette époque, le vin que les Anglais achetaient sur « Continent » (pour ne pas dire en France car précédemment il venait… d’Angleterre), était acheminé dans de grandes barriques.
L’invention des fours à charbon qui conduisit à la fabrication de la bouteille en verre remonte au XVIIIème siècle.
Après quelques essais, les Anglais comprirent deux choses :
1- Le vin se gardait mieux dans des bouteilles de verre que dans des tonneaux
2- Une bouteille était plus facile à vendre qu’un tonneau.


Miniature réalisée par mon ami JPL

Cette pratique ne serait venue en France qu’en toute fin du XVIIIème siècle et aurait été reprise par d’autres régions viticoles.
Lors de l’exposition universelle de 1889, le célèbre foudre « Mercier » (transporté par les galvachers du Morvan) était présenté entouré de nombreuses bouteilles.

Bon, alors…

Nous touchons au but !
Plus concrètement, il faut regarder les systèmes de mesure français et surtout anglais.
Chez nos voisins qui utilisent toujours un système différent du notre, le gallon anglais sec et liquide devrait être égal à 277,2 pouces cubes, soit exactement 4,542 494 140 8 litres. Toutefois, pour diverses raisons, les Anglais ont retenu 4,546 090 litres pour valeur officielle et légale du gallon, soit 3,595 859 2 ml supplémentaires (+ 0,079 %).

Ah ! Enfin !

Voilà !
L’histoire ne précise pas qui des Anglais ou des Français a eu le premier l’idée lumineuse de transporter le vin en barriques de 225 litres, soit 50 gallons (arrondis).
En effet, 225 litres c’est précisément ce que représentent 300 bouteilles de 75 centilitres, et 300 c’est beaucoup plus pratique pour les calculs que 225 : 1 barrique = 50 gallons = 300 bouteilles et 6 bouteilles = 1 galon (soit les 4,546 090 litres ci-dessus…).
Il en reste aujourd’hui des caisses de vin vendues par 6 ou par 12 bouteilles.

Quelques informations

Origine du mot bouteille

L’origine du mot « bouteille » viendrait de l’ancien français « botele » signifiant « récipient ».

La première bouteille de vin

Elle serait apparue en Gaule à l’époque Gallo-romaine, importée des verreries italiennes (Que croire alors de la nécessité de disposer des fours adaptés inventés au XVIIIème  ?).
Sa forme, proche de la forme actuelle, remonterait au IVème siècle.
Ce serait le VIIIe siècle qui aurait imposé la bouteille comme le récipient le mieux approprié pour conserver le vin.

Quelle est l’origine du culot creux ?

Ce renfoncement appelé « piqûre » garantit la stabilité de la bouteille posée debout.
La difficulté d’obtenir un fond parfaitement plat a été palliée en maintenant la bouteille en fusion sur une forme convexe. Cette méthode permet de réaliser ce fameux culot concave dont les bords sont eux tout à fait plats. Cette technique date du IVème siècle.

Une exception toutefois, le champagne Roederer, cuvée Cristal.
En 1855, le Tsar Alexandre II craignant que l’on y cacha quelque explosif, exigea que le fond soit (parfaitement ?) plat.

Moyen mnémotechnique

Un petit « truc » permettant de mémoriser les noms des principales tailles de bouteilles, au dessus d’ 1,5 litres et dans l'ordre croissant de leur contenance, prenez les 2 premières lettres de chaque mot (source Wikipédia) :
« Car de bon matin je remarquais mal sa banalité naturelle »
(quart, demi, bouteille, magnum, jéroboam, réhoboam, mathusalem, salmanazar, balthazar, nabuchodonosor).

Quelques prix records

- Une bouteille « Impérial » de 6 litres de « Cheval-Blanc 1947 », seule bouteille de ce type pour ce millésime Saint-Emilion, adjugée à 224.000 euros en 2010.
- Plus récemment, une bouteille de vin blanc de Bordeaux « Château d’Yquem 1811 » a été vendue 85.000 euros.