Fromage fort


Une méthode musclée pour éviter de perdre ses vieux fromages
Âmes sensibles et nez trop fins s’abstenir

Houla ! C’est quoi un « Fromage fort » ?

C’est un simple terme générique pour désigner un mélange de vieux fromages, de crème fraîche, de fines herbes et d'alcool.

De vieux fromages… Epoisse, Camembert, Fromages bleus, Gruyère, Cantal, Chèvre… Tout quoi…

En clair c’est une préparation rustique qui apparaît sous la forme d’une crème plus ou moins onctueuse, granuleuse, jaunâtre et dont l’odeur et le goût risquent de rebuter le profane ou l’amateur de fromages doux.

Ethymologie

Dans son glossaire, Eugène de Chambure précise que le mot « fromage » se retrouve sous toutes les formes du vieux français dans le patois morvandiau.

Ainsi vous aurez : du « Fromaige », du « Froumaige », du « Freumaige », du « Formaige » ou encore du « Froumaize ».

Toujours selon Eugène de Chambure, le mot « Fromage »  « remonterait à 1135 et viendrait du bas latin (caseus) formaticus « (fromage) fait dans une forme ».
Formaticus dérivant du latin classique forma « Fromage », à côté de la forme attendue « formage » attestée en 1180, provient d’une métathèse qui a détaché le mot de son origine. »

D’autres sources proposent elles une traduction de « Forma » en « Faisselles » (ou encore « Fouchalles » en patois), récipients perforés dans lesquels on faisait égoutter et cailler le lait et situeraient bien plus tard les appellations « Fourmage » (XIVème siècle) et « Fromage » (XVème siècle).
 
Dans la littérature :
Le roman de Renart (Auteurs multiples remontant à environ 1174) leur fait allusion lorsqu'il écrit :
« De Fromaches vit un millier
Qu'en avoit fet asoleiller ».
« Asoleiller » signifie « Remplir de la lumière du soleil », la coutume à cette époque étant de faire sécher les fromages à l'air, dans un panier généralement suspendu près de la porte.

0livier de Serres (Agronome français, 1539 – 1619) parle régulièrement de fourmage dans un dicton agricole de son temps qui recommandait « Le beurre de vache, le fourmaige de brebis, la Caille de chèvres… ».

Comenius (Jan Amos Komensky, Grammairien Tchèque, 1592 – 1670) parle au choix de fourmage ou de froumage.
 
Inconnu : « daivou ç't'tequeille-laite i fron bin chis fromaiges », avec cette caille-là (Caillée du lait) nous ferons bien six fromages.

Les origines du fromage

La fabrication du fromage remonterait à environs de 8000 ans avant notre ère.

Une hypothèse voudrait que cette découverte soit liée à un fort probable accident de conservation.

En effet, en ces temps reculés, le « stockage » et le transport de certains aliments comme le lait, se faisait semble-t-il dans des récipients naturels, en l’occurrence des estomacs d’animaux.

La présence de présures dans l’estomac aurait favorisé la transformation du lait en caillé et petit lait.

Cet accident serait donc à l’origine du fromage.

Les origines du fromage fort

Impossible d’en imaginer l’origine.

Cette méthode qui permettait d’épargner les trop vieux restes de fromages doit remonter à la nuit des temps.

Le principe étant là encore de « ne pas gâcher », des sommes d’ingéniosité culinaires ont été déployées.

Recette

La vraie recette c’est qu’il n’y a pas de recette…

C'est d’abord et avant tout une fabrication maison.

La nature même de cette préparation mais aussi la région dans laquelle elle est réalisée empêchent de poser les ingrédients de manière stable.

Ainsi, dans cet assemblage plutôt charpenté vous pourrez trouver tous les restes de fromages possibles et imaginables mais aussi du vin blanc, du cidre, de l’ail, de l’oignon, de l’échalote, du sel, du poivre, des fines herbes et autant d’eau de vie qu’il y a de régions (dans le Morvan ce sera majoritairement Epoisse, vin blanc sec et « Marc de Bourgogne »).

Il est strictement impossible de refaire deux fois la « même » recette. Les fromages ne seront jamais les mêmes et si c’était le cas ils n’auront jamais la même maturité.

Recette « d’aujourd’hui » :
Les quantités de vieux fromages que l’on trouve aujourd’hui dans les foyers ne sont plus comparables à celles du siècle dernier. Les fromages sont désormais achetés au jour le jour selon les besoins.

Ainsi vous pourrez réaliser une recette toute simple pour une quantité équivalente à un gros pot de fromage blanc que vous placerez à température ambiante ou au réfrigérateur selon votre goût (…mais avec un couvercle…).

- Râpez vos fromages à pâtes dures et coupez ceux à pâtes molles en petits morceaux
- Dans un saladier, écrasez et mélangez tous ces restes avec de la crème fraîche (là encore pas de quantité particulière, c’est fonction du volume de fromage et de votre goût)
- Mélangez bien le tout
- Ajoutez de l’ail, de l’oignon et de l’échalote (l’un ou l’autre ou les trois…) coupé(s) très finement
- Ajoutez les fines herbes finement ciselées
- Ajoutez à votre goût cidre, vin blanc (sec) et/ou eau de vie (attention à ne pas être trop généreux, surtout en eau de vie, qui peut gâcher votre préparation, débutez avec une cuillère à café, pas plus !)
- Bien mélanger le tout afin d’obtenir une pâte assez lisse et homogène
- Salez et poivrer pour ajuster
- Laisser reposer 24/48 heures avant de consommer

(Vous pouvez attendre 1 à 2 semaines… c’est vous qui voyez… Mais testez de temps en temps, nos palais ne sont plus habitués à ce genre de douceurs)

A déguster à toute heure du jour (et de la nuit), froide ou gratinée sur une tartine de baguette fraîche ou sur une belle tranche de pain de campagne, pendant ou en dehors des repas.

Recette « d’autrefois » :
Autrefois les quantités étaient plus importantes et les moyens de conservation quelque peu différents.

On utilisait généralement un (grand) pot de gré, vernissé de préférence, que l’on plaçait, une fois la préparation terminée, dans la cave mais à l’endroit le moins froid et pas forcément le plus sombre (bien qu’il soit rapporté « qu’il n’était point besoin de lumière mais de nez pour le retrouver… »).

Les ingrédients sont sensiblement les mêmes que pour la recette d’aujourd’hui, les quantités sont plus importantes.

- Ne pas mettre d’ail dans la préparation mais en réaliser une purée qui servira à enduire les bords intérieurs de la jarre. -
Ajouter tous les ingrédients préalablement mélangés dans un autre récipient par commodité
- Ajouter éventuellement un peu de bouillon de légumes (de poireau en Rhône-Alpes) et/ou un peu d’huile
- Laisser reposer une huitaine en cave

A déguster là aussi à toute heure du jour (et de la nuit), froide ou gratinée sur une tartine de baguette fraîche ou sur une belle tranche de pain de campagne, pendant ou en dehors des repas.

Recette « imaginaire » :
La « Fougne », ce plat imaginaire que l’on trouve dans le film « Les Bronzés font du ski » aurait bien quelques ressemblances avec notre fromage fort.

Excepté le fait que dans cette « fougne » l’on trouve « du gras », « des couennes », « de l’alcool de bois » et que l’on y trouve des vers (…quoi que…) après un « affinage » de 2 ou 3 saisons (là ça doit vraiment décoiffer…), ce fromage « imaginaire » pourrait-être plus près qu’on ne pourrait le penser de certaines réalités.