Les Bardiaux

Un théâtre rural gallo-romain

 

Situation



Comme son nom l’indique, le théâtre des Bardiaux est situé au lieu-dit « Les Bardiaux », au cœur du
Parc Régional du Morvan, sur le territoire de la commune d'Arleuf (58 – Nièvre), à une altitude de 535 mètres.

Origines

L’origine du théâtre « des Bardiaux » remonterait à la fin du IIème siècle de notre ère. Il est donc contemporain de la romanisation de la région,


L’entrée du site

Dans son ouvrage publié en 1867, « Le Morvan, essai géographique, topographique et historique sur cette contrée », Jacques François Baudiau, Curé de Dun-les-Places et membre de la Société Nivernaise des lettres, sciences et arts et de plusieurs autres Sociétés savantes, précisait :
"Aux Bardiaux, où le peuple croit qu’il y eut une ville on a découvert de nombreuses médailles et d’autres objets curieux… "

Le nom du village ayant existé là (s’il y en eut un) s’est perdu. Certains textes parlent d’un « vicus » (agglomération secondaire) dénommé « Boxum » (signifiant « ville du buis »), sans qu’aucune confirmation n’en soit donnée.

Sur la table de Peutinger, le « vicus » de « Boxum » se situe entre « Aquis Nisingy » (St Honoré les bains) et Augustodunum (Autun), et à 8 lieues et demi de cette dernière. Cette localisation est tout à fait cohérente, la distance à vol d’oiseau étant de 23 km cela représente 20,4 km en lieues gauloises (2,4 km) et 18,7 km en lieues romaines (2,2 km).


Extrait de la table de Peutinger
(panneau de présentation du site des Bardiaux)

Tout proche de cette agglomération se trouvait le carrefour de 2 voies antiques : Autun – Orléans, via Compierre (58-Nièvre, à une vingtaine de km au sud de Corbigny) et Entrains-sur-Nohain (18-Cher, situé à 22 km de Clamecy et à 30 km de La Celle sur Loire) ou Bourges et Bibracte – Alésia.

Ce lieu représentait très probablement une halte sur la voie romaine Autun - Orléans en raison du développement de la ville d’Autun. En effet, Bibracte était abandonnée au profit d’Augustodunum et « Les Bardiaux » n’en était qu’à une journée de marche.

A cette époque, les haltes permettaient aux voyageurs de trouver gîte et couvert, remise pour attelages mais aussi lieux de loisirs et de culte.

Ces haltes, généralement situées dans des campagnes aux quelques fermes isolées, ont fréquemment donné naissance à des agglomérations, de tailles variables et étalées le long de la voie (village-rue).

Caractéristiques

Bien qu’une soixantaine de théâtres ruraux ait été recensée à travers la Gaule, le théâtre « des Bardiaux » est défini comme « l’un des rares théâtres ruraux de l’époque gallo-romaine ».

Il est la propriété du Parc Régional du Morvan.

C’est un site classé monument historique depuis le 8 décembre 1975.

Situé au cœur du Parc et adossé à un vallon, ses gradins orientés sud-ouest font face à un remarquable paysage morvandiau.


Vue d’ensemble

Avec ses 45 mètres de long sur 40 mètres de large, il disposait de gradins formés par 6 terrasses concentriques dont la pente naturelle du terrain assure le dénivelé.

De son périmètre, il subsiste un mur de 50 cm d’épaisseur sur quelques 40 à 60 cm de hauteur.

Son orchestre (partie de la salle située en contrebas de la scène) mesurait un peu plus de 9 mètres de rayon.

Sa capacité devait être de 600 à 700 places et il devait vraisemblablement servir de lieu de réunions publiques (et de rituels ?).

En effet, les grands théâtres, dits de « plan classique », sont construits dans les chefs-lieux de cités (Orange, Autun avec ses 17 000 places…), avec forum, thermes et amphithéâtre. D’autres théâtres de plan plus simple, élevés en périphérie de villes importantes (Autun « La Genetoye », Autun comporte effectivement 2 théâtres) ou dans des agglomérations secondaires (Entrains-sur-Nohain, Compierre, Les Bardiaux…) ne comportent pas de mur de scène continu et sont fait de matériaux plus basiques trouvés dans la région immédiate de leur construction (maçonnerie, pierre sèche et bois).

 

Dessin de Cathy Gaspoz
(Extrait d’un panneau de présentation du site des Bardiaux)

Les divers relevés qui ont pu être établis expliquent l’organisation de ce théâtre.

Pour y entrer, les spectateurs disposaient de deux corridors placés symétriquement de part et d’autre de la scène. Ces corridors étaient probablement équipés d’escaliers en bois.

Dans le haut des gradins, une autre galerie visiblement étroite, en permettait également l’accès.

L’accès à la scène quant à lui s’effectuait de face par deux marches de pierres.

La scène semblait être constituée par une estrade en bois reposant sur une assise séparée en trois blocs. Celui placé le plus en arrière du théâtre bénéficiait d’une toiture et devait probablement correspondre aux loges des artistes.

La construction du théâtre proprement dit aurait pu être réalisée en une seule fois (scène et gradins). En revanche, les constructions proches du théâtre ont sans doute été réalisées postérieurement (maison et ateliers notamment). Les populations locales ayant sans doute récupéré tout ce qui pouvait l’être, planches, escaliers, toiture, estrade, et autres pierres, il ne reste pas de trace permettant une datation fiable.

Historique des fouilles

Au XIXème siècle (1899), H. Marlot entrepris de vaines recherches à la demande de la Société Eduenne. En dehors de quelques fragments de tuiles, de poteries (poteries à reflets métalliques bronzés ou céramiques métallescentes), de sigilée (céramique fine destinée à la table), de clous ou de médailles, aucune découverte marquante n'a été faite.

A la même époque, le sieur Luquet (philosophe 1876-1965) aurait mis à jour d'antiques vestiges dont des tronçons de colonne.

Une centaine d’années plus tard, dans les années 1960, lors de travaux de captage, de nouveaux fragments de tuiles furent découverts. Le site suscita soudain un regain d’intérêt.

Entre 1970 et 1978, le Docteur Lucien Olivier, membre du Groupe de Recherche Archéologique en Haut-Morvan (GRAHM), exhuma les fondations du théâtre et de plusieurs maisons.

En cela il bénéficia de l’aide fortuite mais particulièrement importante d'un puisatier que l'on dit être le dernier de la région, un homme réputé pour ses compétences : Jacques Hédeline.

L’homme possède une pelle hydraulique qu’il maîtrise parfaitement au dire de tous. C’est bien sur cet homme (et sa machine) qui a découvert les sources des environs. Il va faire mieux !

L’histoire raconte que les crédits alloués aux fouilles étant épuisés, les travaux réalisés à l’aide de la pelle hydraulique devaient cesser. C’était sans compter sur la ténacité de Jacques Hédeline.

Les scientifiques découragés de ne rien trouver et de devoir stopper leurs recherches quittent les fouilles. Le puisatier reste et a l'idée (géniale...) de creuser une tranchée en travers de tout le site. La suite ?
Son obstination lui a permit de tomber sur l’angle de la maison toute proche du théâtre… Et il découvrit le mur du théâtre en dégageant la maison.
 
La maison

Ces propos lui sont prêtés 
« C’est comme ça que je suis tombé sur un mur.
Toujours à la pelle hydraulique, je l’ai suivi en douceur. C’était le mur d’enceinte d’un petit amphithéâtre.
De là, on a pu tout mettre à jour ».


Jacques Hedeline,
"LE" découvreur à la pelleteuse
(Photo collection Josette Deviere-Hedeline)


Méthode empirique, obstination salutaire, savoir-faire, le puisatier vient de mettre le doigt (la pelle) sur ce qui est qualifié de "plus beau vestige gallo-romain de cette région".

Une statuette représentant la déesse de l'Abondance, baptisée « la Dame des Bardiaux », et mesurant 16 cm de haut fut découverte sur le site. Elle est désormais visible au Musée Rolin d'Autun.


La Dame des Bardiaux
(Photo collection Josette Deviere-Hedeline)


Le « trésor des Bardiaux » fut découvert enfoui sous la scène. Il est constitué d’une vingtaine de sesterces frappés à l’effigie d’empereurs de la fin du Ier siècle au milieu du IIIème siècle (une recette oubliée ?).

Prés du mur d’enceinte du théâtre, nouveau trésor : des sesterces de bronze datant également du IIIème siècle, 12 pièces à effigie, 1 065 flans prêts à être frappés et 6 sachets de déchets de coulée.

Ce « dépôt » se trouvait tout proche d’une autre cache qui elle regroupait des ornements d’attelage de char : des têtes de lions stylisées en bronze massif. Il constituait probablement la réserve d’un bronzier qui les aurait (peut-être ?) réutilisé pour fabriquer quelque(s) monnaie(s).

La production d’une monnaie au sein même d’un « victus » dans les dernières années du IIIème siècle aurait-elle pu être possible ?

         
Les fouilles des Bardiaux en 1971
(Photos collection Jean-Pierre Ferret)

    
Articles de presse sur les Bardiaux
(Collection Françoise Hedeline)


Des fouilles menées au nord du théâtre « des Bardiaux » on permis de mettre à jour un bassin antique et ce qui aurait pu être des ateliers d’artisans forgerons ou métallurgistes, sans doute spécialisés dans la réparation des véhicules circulant sur cette voie.

Le bassin, de forme carrée, est en bois. Il mesure 2 mètres sur 2, sa profondeur est de 60 cm. Une couche d’argile de 20 cm d’épaisseur posée à l’intérieur d’une enceinte maçonnée en assurait l’étanchéité.

Des canalisations ont également été découvertes.

Prés du bassin, sur un sol de « tuilots », un foyer comportant de visibles traces de carbonisation ayant servi aux artisans.

Sa fréquentation comme théâtre semble s’être estompée puis abandonnée à la fin du  IIIème siècle.

La destruction par un incendie de la maison voisine est datée de cette période.

Le remblayage assez surprenant sous lequel ont été retrouvés ces vestiges (mélange de glaise et d’arène) pourrait avoir été volontaire, peut-être pour faire disparaître quelques traces ou tristes souvenirs d’invasion ? Les invasions barbares dates en effet de la fin du IIIème siècle.
Quelques sombres raisons idéologiques peuvent tout naturellement être également liées cet étrange remblayage.

Si le théâtre fut abandonné au IIIème siècle, les fouilles réalisées plus au nord ont également découvert des constructions ainsi que du mobilier remontant au haut moyen-âge, laissant supposer que l’axe Autun – Orléans continuait d’être emprunté et participait au maintien de ce village (ou de cette halte).

Anecdote sur l’achat du site :
Alors que le Docteur Olivier et 2 de ses collaborateurs se préparaient à l’achat du site, le vendeur augmenta subitement et considérablement son prix au prétexte qu’il ne vendait plus un pré mais… un théâtre.

Spectacles

Les théâtres romains accueillaient régulièrement des spectacles de pantomimes, des comédies, des tragédies mais aussi des tribunes libres, des rassemblements politiques ou religieux, tout comme des spectacles… érotiques.

Les spectacles étaient présentés par des artistes ambulants (en particulier dans les agglomérations secondaires), troupes de professionnels ou amateurs, danseurs, musiciens, jongleurs, acrobates, montreurs d’animaux…

L’histoire ne dit pas quels spectacles remplissaient les gradins (ni si certains avaient lieu après 22h00).

 

Arrivée aux Bardiaux de la « Légion VIII Augusta »
de la marche expérimentale de 2012

Aujourd’hui, la « Légion VIII Augusta » redonne un petit air d’origine à ce théâtre.

Sources documentaires

Sites sur Les Bardiaux,
- http://seclin.tourisme2.free.fr/le_site.html" target="
- Jacques François Baudiau, Curé de Dun-les-Places, « Le Morvan, essai géographique, topographique et historique sur cette contrée »,
- Documentation Société Eduenne
- Collection Photos Josette Deviere-Hedeline
- Collection Photos Françoise Hedeline
- Collection Photos Jean-Pierre Ferret
- Documentation personnelle Jean-Louis Magouthier
- Panneaux d'information site des Bardiaux