Le camp des Blandins |
Comment nommer ce lieu ? Avertissement - Sources documentairesGénéralement cette
rubrique se trouve en fin d’article.
Dans le cas présent il a paru intéressant de la faire
apparaître en tout début pour avertir du fait que rien – ou si peu – n’existe
sur ce camp. Les archives (en général) sont muettes ou pour le
moins très discrètes sur le sujet. Les témoignages oraux « vivants » sont bien sur
devenus impossibles et ceux transmis ou retranscrits sont devenus
invérifiables. Quelques (rares) octogénaires locaux ont de très
vagues souvenirs qu’ils ne semblent pas avoir voulu conserver. Certains historiens interrogés n’ont pas
d’informations et/ou ne travaillent pas sur ce thème (!). Les différents services consultés sont pleins de bonne
volonté mais n’ont rien et renvoient vers les archives… Les quelques rares auteurs s’étant risqués sur ce
thème parlent de leurs recherches en ces termes : -
Christian Bouchoux : La carrière et le camp des Blandins (VDM
n°19 article 514) http://www.ventsdumorvan.org/pdfs/pdfs/vdm-0514.pdf
« Les archives
départementales restent apparemment muettes sur l’aspect pénitentiaire du
camp ». - Jean-Claude Trinquet : (VDM n°28 article 706) http://www.ventsdumorvan.org/pdfs/pdfs/vdm-0706.pdf - Didier Cornaille : Histoires racontées de Bourgogne et du Morvan (Albin Michel) « C'est de façon tout à fait
accidentelle que j'entendis parler, un jour, d'un camp de prisonniers ayant
existé dans ces hameaux perdus au pied du massif du Haut-Folin… » « …tout au long de cette
recherche rendue d'autant plus difficile qu'il fut vite évident que toutes
les archives concernant ce camp avaient disparu ou, si elles existaient
encore, restaient totalement inaccessibles ». - Violenne l’Espicenne : En mémoire d'un détenu de l'atelier 59 au bagne d'Arleuf (Le Morvandiau de Paris - 2008) « … j'ai vite compris que la
population de la région avait comme par hasard oublié que parmi les détenus,
les « rebuts de l'armée » étaient des français emprisonnés pour avoir
seulement refusé de se battre au nom de la paix. » Il m'est également arrivé d’entendre dire qu’il n’y avait pas de prisonniers à Arleuf, qu’il y en avait mais qu’ils n’étaient pas gardés par des militaires, qu’il n’y a jamais eut de morts dans ce camp… Autrement dit tout et son contraire. Les extraits des rares documents d’archives - et les
vestiges sur les lieux - montrent hélas que tout cela à bien existé. La « volonté d’oubli » de ce site est absolument
phénoménale. RappelQuelques chiffres sur
14-18 pour la France
Bilan humain : - 1,38 Millions de morts, soit 10,5 % de la population
active et 34 ‰ de la population totale - 0,3 Million de mutilés - 1 Million d'invalides à plus de 10 % - 600 000 veuves - 700 000 orphelins - 450 000 prisonniers - Déficit des naissances 1,5 Millions Bilan matériel : - 10 départements ravagés - 11 000 bâtiments publics détruits - 350 000 maisons détruites - Productions effondrées : 88 Millions de quintaux de
céréales de moins en 1918 qu’en 1914 - Indice des prix de gros de 1918 en hausse de
600 % par rapport à 1914 - Perte de la moitié des investissements dans le
monde Situation générale dans la NièvreDans son ouvrage « Le
département de la Nièvre dans la Grande Guerre de 1914 à 1918 », (Archives
Départementales de la Nièvre) Maurice Valtat nous interpelle en reproduisant
le texte d’un rapport du Sous-Préfet de Château-Chinon au Préfet de la
Nièvre :
«D'une façon générale l'état d'esprit n'est pas inquiétant... le caractère dominant de la population de cette région est l'économie poussée a l'avarice ; dès l'instant que les allocations sont distribuées avec générosité et que les denrées agricoles se vendent très cher les habitants des campagnes sont satisfaits. Il n'y a pas de centres ouvriers, peu de petits artisans, la presque totalité de la population est composée de cultivateurs, ceux-ci petits propriétaires, fermiers ou journaliers agricoles réalisent des bénéfices sérieux, beaucoup d'entre eux possèdent un lopin de terre ; vivant de peu, ils font des économies, amassent la monnaie divisionnaire et la cherté de la vie se fait peu sentir. Il est certain que les sentiments patriotiques, du moins d'une partie de la population, sont peu développés et que l'intérêt privé est la préoccupation principale. Ceux que la guerre n'a pas atteint dans leur famille, témoignent de l’indifférence et aucune inquiétude, l'ordre public n'est pas troublé. Au point de vue du ravitaillement il y a parfois des réclamations : telle personne prétend qu'elle reçoit trop fréquemment des ordres de réquisition pour des quantités de denrées ou de bétail supérieures à ses disponibilités. J'essaie toujours de concilier les désirs des particuliers avec les exigences du ravitaillement en m'informant auprès des Maires et des Présidents des commissions de réception. Ceux-ci sont obligés de faire preuve d’énergie et rencontrent souvent une résistance que la cupidité peut seule expliquer : le commerce offre parfois des prix supérieurs à ceux offerts par la réquisition. J'estime que dans ce cas, il ne faut pas hésiter à faire un exemple et que les mesures les plus sévères doivent être prises. A part de rares incidents relatifs à des difficultés pour les livraisons, les réquisitions se font bien... Quant au ravitaillement de la population civile il n'y a aucun incident à signaler... Le pain a manqué rarement et pour peu de temps au moment de la moisson ; Les habitants des communes dépourvues de boulangers se fournissent dans une commune voisine, beaucoup de cultivateurs ont d'ailleurs le blé pour leur consommation familiale. La pénurie de sucre n'a pas causé d'ennuis sérieux. On m'a signalé dernièrement que le sel était peu abondant. Le charbon est très rare, mais le chauffage se fait presque complètement au bois, la rareté et la cherté du charbon n'ont pas de contre-coup appréciable dans le Morvan. En ce qui concerne ma surveillance des usines de guerre il n'en existe pas dans l'arrondissement. Pour la propagande pacifiste ou antimilitariste je ne manquerai pas de m'inspirer des instructions que vous avez bien voulu me transmettre. Je tiens à vous signaler M. le Préfet un point qui peut devenir inquiétant : c’est la crise de l’Administration municipale. Plusieurs ou Adjoints (ou conseillers municipaux faisant fonction de Maires) ont déjà donné leur démission. Il est à craindre que cet exemple ne soit suivi par plusieurs de leurs collègues… Les consignes de l'Intendance militaire leur ont créé une situation qui demande un véritable dévouement... Il ne faut pas oublier que nombre de Maires sont des petits cultivateurs qui doivent travailler pour vivre et ne jouissent pas des loisirs nécessaires à la bonne administration de la commune». Un camp de prisonniers au cœur du Morvan ?1917, c’est à cette
époque qu’est située l’origine de ce camp.
Il se serait alors agit d’un camp de prisonniers allemands ne comptant qu’une quarantaine de détenus. Hormis des évasions chroniques dans les transferts des
dits prisonniers, les archives départementales sont particulièrement «
discrètes » sur la
question.
Violenne l’Espicenne nous explique : « On relève en 1916 (les rares archives confirment toutefois 1917) l'existence d'un camp comptant environ 30 prisonniers allemands entre le ruisseau de la Motte et la rivière de la Proie, dans l'épaisse forêt du Sault sur le hameau du Châtelet (commune d'Arleuf) près de la carrière des Blandins ». Une telle main d’œuvre pouvait sembler couramment utilisée dans le Morvan pour l’aide à l’exploitation des bois mais aussi aux travaux des champs. Ce n’était pas le cas à Arleuf. Dans la mesure où il n’y avait alors rien sur place, on peut légitimement supposer que la construction de ce camp ait été réalisée par cette quarantaine de détenus. Sans aucun doute !
Il se dit d’ailleurs qu’à la fin de l’année 1917 on ne parlait plus beaucoup allemand dans le camp… La question reste de savoir pourquoi ?
Les archives départementales de la Nièvre précisent : 9 R 2324 : Prisonniers de
guerre ennemis.
Aucun document sur le camp d’Arleuf. Un état numérique
par commune non daté, mais qui pourrait avoir été dressé en août 1916, n’en
recense aucun dans cette commune.
Pour leur part, les archives de la Saône-et-Loire relatives aux prisonniers de guerre doivent être classées fin 2014. Mais de quels prisonniers s’agit-il ?. Qui étaient ces prisonniers ?D’aucuns diront qu’ils
s’agissait « d’objecteurs de conscience ».
C’est partiellement vrai. Sauf que cette notion
n’existait pas encore en 1917 ! Le premier cas d’un homme se réclamant d’un tel «
statut »
remonte à 1920 (le statut officiel fut adopté en décembre
1963 et encore, sans qu’il en soit fait la moindre publicité,
en contradiction avec le fameux axiome « nul n’est
censé ignorer la loi », lui aussi largement
dépassé aujourd’hui). Simplement 1917 c’était, par exemple, les conséquences
des actions stupides menées par un certain général Nivelle qui avaient à elles
seules provoquées plus de morts que celles des pires généraux de
l’antiquité… Et comme on récolte ce que l’on sème, de sourdes
protestations montèrent des tranchées. Le nombre d’insoumis, de déserteurs et autres
justiciables des conseils de guerre pour tous motifs que ce soit ne cessa de
croître. Pour éviter la « contagion », la démoralisation des
troupes, et comme on ne pouvait fusiller tout le monde au risque d’aggraver
encore la situation (surtout pour ça…), on retira ces protestataires du front
pour les envoyer dans des camps où il ne pourraient plus nuire « au bon état
d’esprit ». Le Morvan était assez loin pour cela, mais il existait
aussi d’autres camps : Île Madame (400 places), Albertville et bien
d'autres... Les archives les plus nombreuses ont précisément trait
aux prisonniers et plus spécialement à leurs comportements Il est rapporté notamment par le grand-père de
Violenne l’Espicenne qui fut prisonnier dans ce camp, une peine de 20 jours de
« mitard » dans les geôles, avec à manger (que mangeaient-ils au fait ?) 1 jour sur 4 pour avoir dénoncé les conditions de détention à un général en inspection (Non ! Pas en visite, en inspection !)… Dans les archives de la Nièvre nous trouvons : 2 R 3001 : C’est un camp
d’exclus en 1917; une enquête est demandée au sous-préfet de Château-Chinon
suite à des plaintes. Un seul document, une lettre du 20 novembre 1917, un
peu contradictoire : d’un côté les détenus sont craints de la population
(accusation de brigandage), de l’autre ils sont employés dans des
fermes. 2 R 2681 : Main-d’œuvre
travaillant pour la Défense nationale. Un sous-dossier revient sur cette
affaire (procès-verbaux de gendarmerie) : il apparaît que les détenus
avaient le droit de sortir du camp le dimanche, mais qu’ils sont consignés
depuis la plainte. Une allusion laisse penser qu’ils ont succédé à des
prisonniers de guerre. Le fait qu’ils soient autorisés à sortir le dimanche
montre tout à la fois le niveau de « dangerosité » des détenus, le manque de
moyens pour la surveillance et/ou la « stupidité » des responsables de
leur surveillance. Généralement, au cours de cette journée de sortie, les
prisonniers étaient employés à travailler dans les fermes contre quelques
nourritures qui devaient grandement leur manquer. Les registres « copies de lettres » de la « Compagnie
des Chemins de Fer de Saône et Loire » (CCFSL) font également apparaître
quelques faits qui ne sont pas forcément à l’avantage des victimes : - « Un vol a été commis dans
la nuit du 19 au 20 mai 1918, dans le hall de la gare de Fâchin. Un colis
renfermant une capote militaire et une caisse de 12 litres de liqueur et vin
Quinquina et Madère ont été emportés. Les soupçons ont été immédiatement
portés contre les détenus de l’Atelier 59…… Afin d’éviter le retour de ces
vols, il conviendrait de remettre en état les cloisons en planches dont
la plupart sont pourries… ». - « Des malfaiteurs se sont
encore introduits dans la nuit du 22 au 23 mai 1918 dans le hall de la gare
de Fâchin. Les portes étant fermées et calées par des morceaux de bois à
l’intérieur, ils ont fait sauter une planche de la cloison qui est
complètement pourrie… » Des planches pourries dans une région productrice de
bois, c’est dommage ! Une autre lettre de la CCFSL en date du 23 mai 1918,
estime le préjudice du 19 au 20 mai à 81,50 F (de l’époque, soit environ 150
Euros 2014) et propose (les auteurs ayant été arrêtés), d’en demander le
remboursement à l’autorité militaire. Ce à quoi l’autorité militaire répondra le 14 juin
1920 (s’agit-il d’une erreur de transcription ? Probablement pas !) que, « Conformément au décret en vigueur à cette époque, les compagnies n’étaient pas responsables des avaries manquantes résultant du fait de l’état de guerre… » et que la partie du butin récupérée (3 litres de liqueur) était à disposition à la Gendarmerie. Les « avaries manquantes » n’ont toujours été que pour
se nourrir ou se couvrir. Certes il faut ajouter à cela les inévitables «
sabotages » ou
comportements de prisonniers face à des travaux forcés. Quoi
de plus évident ? A la décharge des détenus, d’autres avaient aussi la
main légère comme le rapporte cette lettre de cette même CCFSL en date du 11
septembre 1917 : « Homme d’équipe auxiliaire……
a été
surpris dans le hall de la gare d’Autun par le chef de
train B… entrain de reclouer une caisse de
champagne apportée dans la journée, dont il avait
fait disparaître 3 bouteilles… » Et tous n’ont pas été pris. Les origines de la carrière des BlandinsOn pourrait sans doute
penser que la construction du «Tacot» entre 1897 et 1904, dont le tracé
passait précisément par la carrière des Blandins et dans laquelle il a fallu
"taper" pour ouvrir le passage, aurait pu donner des idées
d’exploitation.
Ce n’est pourtant qu’en 1917 que celle-ci fut
décidée. Délais de réflexion ? Nécessité ? Nul ne sait ! On commence à entrevoir une réalité lorsque l’on
comprend que l’installation de ce camp se situe à la fois sur la carrière des
Blandins et sur le tracé des chemins de fer d’intérêt local à voie étroite
entre Château-Chinon et Autun, et que dès la fin 1917 l’administration des
Ponts et Chaussées en assure la gestion. D’ailleurs, « en assurer la gestion » ne veut pas dire
grand chose. Il s’agissait en fait d’un véritable imbroglio : Tout d’abord, le 17 novembre 1916, le Ministre des
Travaux Publics (c’était alors Marcel Sembat) charge Monsieur Charles Pigache,
Ingénieur en Chef des Ponts et Chaussées (ICPC) de 1ère classe, d’organiser
l’exploitation de la carrière en régie et pour 3 ans par Monsieur Pagani. (Le
Ministre aurait lui-même choisi l’exploitant ? Oh…) Monsieur Pigache a passé une bonne partie de sa
carrière (sans jeu de mots) dans les services… de la navigation, ce n’est donc
pas sa spécialité (mais c’est polytechnicien…). Entre 1914 et 1920 on ne trouve plus trace de lui dans
les annuaires du Ministère des Travaux Publics mais il a pourtant été nommé «
hors classe
» en 1919. Il y réapparaît en 1921 comme ICPC aux Chemins de fer
(contrôle voie et bâtiments) pour les réseaux du midi et PLM. Peu de temps après la décision du Ministre (très
peu de temps après…), une autorisation préfectorale des 22 et 23 décembre 1916
charge les Ponts et Chaussées (de la Nièvre) d’exploiter la carrière
afin de fournir les matériaux d’empierrement destinés à la réparation des
voies de communication de la zone des armées (les communes situées sur le
parcours du "Tacot" n'ont jamais été en zone des armées mais semblent
avoir bien profité des matériaux extraits...). Pourtant, cette époque offrait hélas déjà tant de
ruines que les matériaux « d’empierrement ordinaire » ne manquaient pas.
Cette gestion « en régie » devait donc utiliser
les services d’un exploitant privé. Monsieur Pagani, semblait être connu à la fois
comme un « brasseur d’affaires » et comme un excellent carrier établi en
Côte d’Or près de Nuit-Saint-Georges. Que venait-il faire dans une telle entreprise perdue
au fond des bois morvandiaux ? S’agissant d’une exploitation pour les besoins des
armées, l’idée que ce Monsieur ait pu obtenir l’assurance de disposer de
prisonniers n’est pas totalement absurde (ni écartée). Reste à savoir dans quelles conditions. Nous avons vu plus haut que les prisonniers devaient travailler dans les fermes pour obtenir quelques nourritures et sur place nous pouvons nous faire une petite idée de la triste réalité, surtout si comme il est parfois rapporté, le nombre des détenus a pu atteindre les 250 (il est parfois même question de 500, ce qui paraît toutefois quelque peu excessif). Si l’on ajoute à cette gestion un gardiennage
militaire sur des parcelles appartenant toujours à des particuliers mais
occupées à titre temporaire, le tout utilisant les transports assurés par la
Compagnie des Chemins de Fer d’intérêt local de Saône-et-Loire (CCFSL),
laquelle Saône-et-Loire, de ce fait, était plus impliquée que la Nièvre au
début, vous comprendrez mieux le flou entourant cette organisation. La Saône et Loire ne dispose pas d’archives plus importantes sur le sujet : S 1 180 – Autorisation d’exploiter des carrières entre 1871 et 1921, 5 S 335 – Etat des transports de matériaux de carrières pour le service des Ponts et Chaussées). Vous avez tout suivi ? Bravo ! L’exploitation de la carrièreNous n’avons pas ici de
précisions quant-aux propriétés recherchées dans les roches de cette carrière
ni de l’usage effectif qui pouvait en être fait.
Cette carrière de mylonite, roche d’origine
magmatique, ne produisant que des graviers et des gravillons (et du sable),
fut exploitée pour les besoins des Ponts et Chaussées de la Nièvre (mais
aussi de la Saône et Loire, en fait pour de nombreuses communes situées
sur le tracé du Tacot). L’extraction était généralement réalisée au moyen de
cheddite, une variété d'explosifs récents à base de chlorates dont le nom
provenait de leur lieu de fabrication : Chedde, sur la commune de Passy en
Haute-Savoie. Depuis juillet 1915, il existait déjà un embranchement
du Tacot aux Blandins, réservé à l’usage exclusif d’un marchand de bois,
Monsieur Defossemont, qui avait payé pour sa réalisation et son utilisation.
Le 11 décembre 1916, le registre « copies de lettres »
de la «
Compagnie des Chemins de Fer de Saône et Loire »
mentionne une lettre émanant du service des ponts et
Chaussées de Paris annonçant «…
l’envoi prochain d’un concasseur de 200 tonnes pour
la future carrière des Blandins. Dimensions : 1m de
longueur, 1,60m de largeur, 1,30m de hauteur ».
On peut s’étonner des dimensions relativement modestes
de l’engin. En Mai 1917, le matériel, accompagnée d’une
locomotive de 10 tonnes est mis à disposition de la carrière. Nous n’avons aucune indication sur des personnels déjà en place et/ou en ayant effectué la réception. Le 30 juillet 1917, arrivée des 20 premiers détenus
accompagnés de leurs 8 gardiens (Nous avons vu plus haut qu'il avait été
question d'une quarantaine de détenus, puis de 30, nous sommes maintenant à
20...). Il n’est nulle part question de la mise en place
du camp ni de la mise en place de la carrière. Il est donc fort probable que ce soit ce premier «
contingent »
qui ait été à l’origine de la construction du camp, mais
seulement à l'origine, les travaux étant par trop importants
pour qu'ils aient pu tout réaliser. Quant-à la direction de la carrière, les archives font
souvent référence à un certain Auguste-Joseph Peyroux, Ingénieur des Travaux
Publics de l’Etat (ITPE) sans jamais préciser sa date de prise de
fonction. Entre 1911 et 1918, M. Peyroux aurait été «
sous-ingénieur des
ponts et chaussées en service détaché au Ministère des
affaires étrangères pour le Gouvernement Ottoman (lieu non
indiqué) ». Pour assurer et gérer le débouché des matériaux à la
gare PLM de Château-Chinon, il fallu aménager les voies d’échange
(estocade). Le « personnel » de la carrière était (aussi) naturellement désigné pour cela. Le 6 octobre 1917, Charles Pigache, ICPC à la CCFSL,
autorise le transport des travailleurs entre Fâchin et Château-Chinon. Mais combien étaient-ils à ce moment ? Le 9 octobre 1917, il est fait mention, toujours dans
les « copies de lettres » de la « CCFSL, d’un certain M. Cortet, régisseur de
la Carrière des Blandins qui aurait demandé une modification des horaires
des trains pour le transport de travailleurs. Une telle demande relevant bien du patron du lieu,
nous pouvons supposer que M. Peyroux n’était pas encore en poste à cette
date. Le 15 octobre 1917, la modification des horaires est
actée (CCFSL) 1918 – 1920, Auguste-Joseph Peyroux n’apparaît pas dans les annuaires du Ministère des TP. Le 21 mars 1919, une copie des courriers de la CCFSL
parle d’un transport de 1400 tonnes de graviers destinés à la réfection de
(l’ex) RN78 entre La Comaille et Autun. C’est dans le milieu de l’année 1920 que le nom de M.
Peyroux semble apparaître pour la première fois à l’occasion d’une demande
qu’il effectue auprès de la CCFSL pour la remise en service d’embranchements
du Tacot sur les Blandins (celui de Monsieur Defossemont ?) 1921 – 1922, Auguste-Joseph Peyroux est « Ingénieur
des travaux publics de l’Etat au Service ordinaire de la Nièvre
(arrondissement sud, subdivision des carrières d’Arleuf) ». Début 1923, les capacités de la carrière étant en
baisse, il est envisagé de procéder à sa vente et de modifier l’estocade de
Château-Chinon. Le 16 avril 1923, Auguste-Joseph Peyroux prend sa
retraite du Ministère des TP. Le 26 juin 1923, une note de la CCFSL annonce qu’un
certain M. Joyeux se serait porté acquéreur de la carrière et que l’estimation
qui en aurait été faite à 300 000 F par M. Peyroux était excessive. Question : M.
Peyroux a-t-il proposé cette estimation avant ou après son départ en
retraite ? Le 13 juillet 1923, une note de la CCFSL apporte
une réponse à cette question : « M. Peyroux doit faire
connaître les prix des divers matériaux aux prix d’estimation qui pourraient
être utilisés pour l’entretien… » M. Peyroux ne semblait donc pas vouloir « lâcher
l’affaire » et assurait la transition avec son nouveau métier de chef
d’entreprise. Il a acheté les terrains et obtenus les
autorisations nécessaires à l’exploitation de la carrière des « Corvées »
située au Nord de celle des Blandins et en a dirigé l’exploitation,
toujours avec M. Pagani, jusqu’à la fin 1933, fin de l’exploitation de
la dite carrière et date de son décès le 27 novembre 1933. Le 8 janvier 1924, une note de la CCFSL précise que
les transports de pierres cassées pour le compte des Ponts et Chaussées de la
Nièvre ont dus être interrompus, ne restant plus que sable et gravillons. 160
tonnes de sable ont toutefois été acheminées vers Château-Chinon pour un
entrepreneur, 130 tonnes vers Arleuf où 200 tonnes doivent encore être
emmenées pour le compte de la commune. Le 19 mai 1925, il est question de 10 wagons de
sable pour un entrepreneur d’Autun.
Question : Y avait-il encore des prisonniers en 1925 ? La carrière des Blandins ne produisant plus, les
matériels (rails, croisement et baraques ainsi que quelques wagons de
gravillons) furent montés à la carrière des corvées Question : Les prisonniers, s'il en restait, ont-ils suivi ? Le 5 octobre 1927, la vente du reste des éléments de
la carrière des Blandins est effectuée à la Sous-Préfecture de Château-Chinon
: - Voies, embranchements, wagonnets à bascule,
locomotives et autres matériels roulants au prix de 70 000 F - Machine fixe, concasseurs, compresseur, transmission
au prix de 60 000 F - Turbines dynamos et génératrices : non adjugé Le 8 octobre 1927, l’enlèvement des matériels vendus
est à prévoir pour la fin du mois. Le 11 octobre 1927, Monsieur Peyroux (toujours lui)
confirmait la remise en état des embranchements et voies des Blandins (qu’il
utilisait occasionnellement pour la carrière des Corvées). La carrière des Blandins peut-être considérée comme
fermée à fin octobre 1927. Questions : Y aurait-il
eut encore des prisonniers dans ce camp en 1927 ? Si oui dans quelles
conditions puisque les bâtiments ont été transférés aux Corvées ? Pourquoi « Atelier 59 » ?L’encombrement des
prisons militaires était à son maximum et un grand nombre de détenus était
incarcéré dans des prisons civiles.
Pour y remédier, l’administration de la justice
militaire multiplia sur le territoire métropolitain ce qui existait déjà en
nombre dans les colonies : les « Ateliers de travaux publics ».
C’est bien de cela dont
il était question aux Blandins. Un document du Service Historique de la Défense (armée
de terre - 13 J 1491 - Prisons militaires) cite de nombreux
établissements et parle de 38 ateliers existant encore sur le territoire
métropolitain en 1919.
Ce "Répertoire numérique détaillé" est le fruit d'un
énorme travail réalisé par la section des archives de la justice militaire du
SHD, la synthèse de tous les documents retrouvés ayant trait aux
Ateliers de travaux publics, ce qui représentait quelques 600 cartons qu'il
a fallu lire, trier et ordonner, et l'atelier 59 n'y figure
pas...
Ce document (150 pages) est disponible sur le site du
SHD à l'adresse suivante :
Ou sur ce site ICI.
Que les archives de Divisions largement malmenées et bombardées sur les lignes de front aient pu disparaitre, soit ! Mais s'agissant de ce camp, à Arleuf ????? Où se trouve ce camp ?On le dit souvent situé
en plein cœur du Morvan. Oui ! En plein cœur du Haut Morvan. Quant-à l'accès à ce lieu, il relève de 2 conditions : - Le hasard ou la chance - La connaissance du lieu Dans le second cas cela tient presque du miracle. Félicitations !
D'anciennes photos aériennes de l'IGN en montraient
encore quelques traces respectivement en 1945, 1954 et 1963
A la sortie d’Arleuf, entre Autun et Château-Chinon et
dans cette direction, se trouve un remarquable point de repère :
« Le Cornemuse », célèbre auberge reconnaissable à sa façade aux couleurs vives et aux multiples décorations. Une centaine de mètres plus loin sur la gauche,
une route descend vers « Le Châtelet ».
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