« Le Morvan, pays sauvage et
pauvre naturellement, doit sa richesse au flottage de l’Yonne et de la Cure
établi au milieu du dernier siècle » (Claude Coutépée, Description générale et particulière
du duché de Bourgogne ..., Volume 3)
 Le flottage (Image Société
Eduenne)
Les origines du flottage
C’est au XVIème siècle
que s’est développé le flottage du bois.
Paris était en pleine expansion, sa population
atteignait les 350 000 habitants au milieu du XVIème siècle, ses besoins en
bois de chauffage étaient énormes, ses forêts limitrophes étaient
surexploitées et les domaines royaux étaient… royaux !
A cette époque, Paris ne brûlait QUE du bois. Les
premières mentions trouvées dans les archives municipales et concernant
l’utilisation de tourbe comme combustible remontent à 1572.
Les lois de l’offre et de la demande marchaient à
plein et le prix du bois montait en flèche.
Le Morvan possède d’importantes forêts et Clamecy,
notamment, se trouve idéalement placée sur les cours d’eaux les reliant à
Paris… (sans oublier les quelques seigneurs qui, ayant aussi résidences à
paris, voyaient se profiler une nouvelle source de revenus…).
 Le Morvan
idéalement placé sur les cours d'eau menant à Paris (Image extraite du documentaire de France 3 "Pour quelques douglas de plus")
- Le décor étant planté, nous tombons maintenant dans
cette extraordinaire polémique (pour ne pas dire farce…) qui a conduit à
élever un enfant du pays clamecyçois (dont on doutera par la suite qu’il le
fut réellement…) en quasi « héros national », « inventeur du flottage de bois
».
Tout d’abord, penser que Jean Rouvet (c’est de lui
qu’il s’agit…), natif de Clamecy ( ?) et riche bourgeois installé à Paris où il
exerçait le commerce du bois « à brûler », qui semblait également être connu
comme usurier notoire, pouvait être « l’inventeur » de cette technique relève
de la plaisanterie.
Depuis la nuit des temps, l’homme était parvenu à
relier ensemble quelques troncs et à en faire des radeaux, certes sommaires,
mais flottables…
Ne dit-on pas que les Phéniciens utilisaient déjà ce
moyen un millénaire avant notre ère ?
Il est également connu qu’en 1490, des bûcherons
normands avaient déjà tenté de faire flotter leurs bois jusqu’à la Seine par la
rivière d'Andelle (le bois d'Andelle).
Pire encore, Jean-BaptisteThomas dans son « Traité
général de la statistique, culture et exploitation des bois - chapitre premier
- statistique et progrès de la consommation des bois en France depuis
Philippe le bel (1300), qui refuse catégoriquement toute reconnaissance à
Jean Rouvet, propose également cette version :
« On a trouvé des radeaux
chez tous les sauvages qui ne connaissent pas l’usage du fer. Ce qu'il y a de
certain, c’est qu’avant 1549 ou peu de temps après, les bois arrivaient à
bûches perdues à Gravant Yonne où ils se chargeaient en bateaux comme ceux
d’Andelles sur la Seine.
Les habitants de Clamecy et
des environs ont aussi leur version sur le flottage en trains, ils prétendent
que c’est un tisserand d’Entrains Nièvre (dont nous ne connaissons pas le
nom…) qui aurait légué le nom de sa ville à ce genre
de navigation en le qualifiant de flottage en trains, c’est à dire fait à
Entrains ou par un habitant à Entrains. Ce tisserand aurait dès sa plus tendre
jeunesse et dans ses loisirs construit des radeaux en jonc pour aller à la
chasse aux canards et autres oiseaux d’eau ou pour cueillir des cornuelles
espèce de châtaignes aquatiques à cornes piquantes qu’on récoltait chaque
année sur les immenses étangs d’Entrains. »
Historique du flottage des bois
morvandiaux (tentative)
Tous les historiens
semblent s’accorder (quoi que…) sur la véritable chronologie et les réelles
actions de chacun.
- Le 23 juillet 1546, des
lettres patentes attestent que Gille Deffroissez, Maître de forges en
nivernais, aurait réalisé et réussi des essais de flottage sur la Cure.
Les finances de Gille Deffroissez étant déjà bien
entamées, arrive alors Jean Rouvet qui l’assiste financièrement. Hélas, malgré
cette assistance, il ne put mener à bien l’entreprise, et se trouva totalement
ruiné. Jean Rouvet mit ainsi la main sur le flottage de la Cure.
Dans son ouvrage « histoire
du flottage en trains, Jean Rouvet et les principaux flotteurs anciens et
modernes » (Daudin et Fontaine – 1845), Frédéric Moreau, syndic du commerce du
bois oeuvrer de Paris rapporte ceci :
« Gilles Deffroissez
Introduit, le premier, le flottage en trains sur la rivière de Cure, 23 juillet
1546.
Un point qui demeurera
constant, c'est que le premier qui eut l'idée de rendre la rivière de Cure
navigable ou du moins flottable, est un sieur Gilles Deffroissez, de Rouen,
maitre de forges du Nivernais.
Ce fut lui qui, le premier,
obtint des lettres-patentes à cet effet et se présenta, comme on va le voir,
devant le Bureau de la Ville, (institution municipale présidée par le
Prévôt des marchands), le 23 juillet 1546, pour faire
ressortir que, « si ladite rivière de Cure étoit rendue navigable ou au moins
flottable, » ce seroit le plus grand bien qu'on saurait estimer pour la ville
de Paris, parce que le long d'icelle rivière y a grande quantité de bois, à
lui appartenant et à d'autres, qui est prêt à flotter et faire venir à bon
marché, qu'il ne reste que d'avoir argent pour faire les frais; sur quoi, pour
le bien de la ville, il en aurait adverti le conseil du roi, duquel il auroit
obtenu lettres patentes et permission de faire ladite rivière navigable, avec
commission de prendre lesdits deniers sur les aydes de ladite ville ; et afin
qu'elle ne soit trop grevée est comptant de recevoir d'icelle que cinq cents
écus pour le présent, autres cinq cents écus à la saint Remy, autres à la
saint Martin et le reste à Noël; et néanmoins, » ledit Gilles Deffroissez
baillera Guillaume Legras et Jehan Rouvet, bourgeois de Paris, pour
cautions, au cas qu'il no rendît ladite rivière navigable ou flottable, de
rendre ladite somme de deux mille livres à la dite
ville, etc…»
« Le Bureau de la Ville
appelle devant lui le sieur Gilles Defroissez et l'interroge pour savoir s'il
veut entreprendre de fournir pour cent mille francs de bois tous les ans, d'ici
à dix ans, et s'il veut promettre de donner la voie de bois rendue aux portes
de la ville pour quarante-cinq sous tournois, attendu que, de présent, le plus
cher ne vaut que cinquante sous tournois la voie.
Mais avant de passer oultre
et rien accorder audit marchand, décide qu'on doit aller en diligence visiter
et s'informer de la commodité ou incommodité des lieux, par gens cognoissants,
tel qu'il sera advisé par le Bureau de la Ville.
Plus tard, les députés à
cette Visitation, effrayés des difficultés que semble présenter la navigation
sur la Cure, font leur rapport au Bureau de la Ville, duquel il appert que ce
projet n'est point exécutable; car au moyen des rochers, des pierres étant
dedans ladite rivière, et de l'eau venant en manière de torrent des montagnes,
elle ne pourrait commodément se faire navigable qu'elle ne coûtât plus de
cinquante mille écus… »
«
Malgré cette opinion, qui certes était de nature à arrêter tout autre que
Gilles Deffroissez dans l'exécution de ses projets, loin de se laisser
décourager par des difficultés qui paraissent insurmontables aux commissaires
désignés par le Bureau de la Ville, Defroissez ne considérant que son
honneur, persiste dans sa résolution et met à l'aventure grosse quantité de
son bois dedans ladite rivière, pour le faire flotter et le faire conduire
par force de gens jusqu'à Cravant.
Cette expérience était
périlleuse et Gilles Deffroissez confessera plus tard qu’il a perdu grosse
quantité de son bois ; Mais il s’est proposé un but, il veut l’atteindre…
»
- Le 20 avril 1547, Charles
Leconte, réel précurseur en matière de flottage a conduit au port des Célestins
(après bien des essais infructueux…), le premier train de bois provenant du
nivernais par la rivière Yonne. Un procès verbal du « Bureau de la ville »
atteste de cette « livraison ».
« Aujour d'huy est venu au
Bureau de la Ville maistre Charles Leconte, maistre des œuvres de charpenterie
de l'Hostel de ceste ville de Paris, lequel nous a dict et remonstré avoir
fait charroyer d'une vente de boys par luy prinse de Madame la duchesse de
Nevers, les boys des Garammes près Chasteau-Sans-Souef (aujourd'hui
Château-Sansys), pays de Nivernoys, grande quantité de bois de chauffage
dont à présent il en a faict admener du port du dict Chasteau-Sans-Souef,
sur la petite rivière d'Yonne, tant par la dicte petite rivière d'Yonne, la
grande rivière d'Yonne et rivière de Seyne, à flotte, liez et garottez, la
quantité de trois grans quarterons de mosle au compte du boys, et arrivez ce
jour d'hier en ceste ville de Paris, au port des Célestins, pour
l'expérimentation et première foys qu'il ayt esté admene boys de chauffage en
flotte du pays d'amont, et affin d'en faire admener cy-après, en la dite
sorte à ses dangers, despens, périls et fortunes.
«
Aussi sont venus au dict Bureau: Pierre Courot, Philebert Guenot, Jehan
Bonnet et Potenciat Guenot, compagnons de rivière, demeurants aus dicts lieu
de Chasteau-Sans-Souef, lesquels ont dit et affirmé avoir admené à la flotte
pour le dict Leconte, le dict boys à ses fraiz, dangers, périls et fortunes,
dont le dict Leconte, comme premier expérimentateur du dict Flottage, nous a
requis lectres, ces présentes à luy octroyées, les quelles… »
Confirmation en est d’ailleurs donnée par ce même «
Bureau de la ville » qui épingle le sieur Leconte le 27 avril 1547 « …après kasimodo… » (Quasimodo étant le premier
dimanche après Pâques) pour des dommages causés à un moulin par le passage de
son train de bois le 20 avril 1547.
- En 1547, le dénommé René Arnoult aurait obtenu du
Roi Henri II des lettres patentes pour le privilège de faire flotter du bois
sur l'Yonne et la Cure.
Jean-BaptisteThomas dans son « Traité général de la
statistique, culture et exploitation des bois - chapitre premier, statistique
et progrès de la consommation des bois en France depuis Philippe le Bel (1300)
» précise :
« 1547, Premier essai du
flottage à bûches perdues sur les rivières de Cure et de l’Yonne par René
Arnould et non par Jean Rouvet, ce dernier, flotteur imaginaire, a été mis en
crédit d’abord par Saint-Yon, tandis que les titres de René Arnould sont
constatés par lettres patentes accordées par Henri II de 1547 à 1559 et
renouvelées authentiquement le 23 décembre 1 566 sous Charles IX… »
Cette date est toutefois
contestée. René Arnould n’aurait obtenu ses lettres patentes qu’en 1566, nous
pouvons supposer qu’il s’agissait là « d’essais ».
- En avril 1549, après que Jean Rouvet ai pu faire
terminer le travail entrepris par Gille Deffroissez et rendre flottable la Cure
de Cravant à l’Yonne (flottable et non navigable), arriva à Paris le premier
train de bois.
En fait, comme le rappelle
Jean-BaptisteThomas, « … Jean Rouvet… en l’année 1549
seulement trouva l’invention en retenant par écluses ès saisons plus commodes
les eaux des petits ruisseaux et rivières qui sont au-dessus de Cravant, de
leur donner la force en les laissant puis après aller, d’emmener les bûches
que l’on y jette à bois perdu jusqu’au dit port de Cravant… ».
- En 1550, à en croire Jean-Paul Bravard dans son
ouvrage « Le flottage du bois et le changement du paysage fluvial des montagnes
françaises », ce serait Guillaume Sallonnier, marchand de bois de
Moulin-Engilbert, qui aurait perfectionné les techniques de flottage
existantes, inventé le flottage « à bûches perdues », et obtenu également des
lettres patentes l’autorisant à mettre en place le flottage sur le cours
amont de l’Yonne (16 février 1551). Cette hypothèse
paraît moins vraisemblable puisque plusieurs écrits placent le flottage « à
bûches perdues » dès 1547.
- En 1566 : D’après Frédéric
Moreau, syndic du commerce du bois à oeuvrer de Paris, dans son ouvrage «
histoire du flottage en trains, Jean Rouvet et les principaux flotteurs anciens
et modernes » (Daudin et Fontaine – 1845), ce serait seulement en 1566 que
René Arnould, après moultes améliorations apportées au principe, obtint ses
lettres patentes.
Voici le tableau chronologique qu’il propose :
«
1013 avant JC : Hiram, roi de Tyr
71 avant JC : Troglodytes,
bois d’odeur sur l’Heurus
1415 : Flotteurs inconnus,
sous Charles VI, bois à œuvrer sur la Seine et la Marne.
1544 : Jehan Eustace, bois à
œuvrer sur la Seine.
1546 : Gilles Defroissez,
bois à brûler sur la Cure.
1547 : Charles Leconte, bois
à brûler, sur l’Yonne.
1549 : Jean Rouvet, bois à
brûler sur la Cure.
1550 : Guillaume Sallonnier,
bois à brûler et à œuvrer sur l'Yonne et la Cure.
1566 : René Arnoult, bois à
brûler sur l'Yonne et la Cure.
1569 : Charles Leconte et
René Arnoult, bois à brûler et à œuvrer, sur l’Yonne et la Cure.
1582 : Guillaume Girard et
Guillaume Mazurier, bois à brûler et à œuvrer, sur l'Yonne et la Cure.
1632 : De Flolligny, bois â
brûler et à œuvrer, sur l'Ourcq et la Velle.
1635 : Bertault, bois à
brûler, sur Lesgne au-dessus de Troyes.
1656 : Tournouer et Gobelin,
bois à œuvrer, sur la Saulx et la Marne »
 Le tableau de
Frédéric Moreau
- Il semble que l’abbé Jacques Félix Baudiau et le
Député de la Nièvre André-Marie-Jean-Jacques Dupin (dit Dupin aîné) aient été
les seuls « défenseurs » de Jean Rouvet.
Si celui-ci a été retenu un
temps, à tord, comme l’inventeur du flottage au XVIème siècle (à noter
toutefois que cet homme n’a jamais rien revendiqué), il semblerait qu’il ait
plutôt permis d’organiser « grandeur nature » et de manière remarquable le
flottage par un mécénat que l’on pourrait sans doute qualifier autant d’«
avisé » que d’efficace.
Sur les 100 km de l’amont,
entre La Chaise et Clamecy (plus les longueurs des quelques 56 affluents
utilisés, soit un peu moins de 100 km), les bois sont flottés « à bûches
perdues ».
Au port d’Armes,
peu avant Clamecy, les bûches sont rassemblées en « branches » (4 branches
forment 1 « coupon », 9 à 10 coupons forment 1 « part » et 2 parts forment 1 «
train ») soit en résumé approximatif : 1 branche = 3 stères, 1 coupon = 12
stères, 1 part = 120 stères, 1 train = 240 stères.
 Mise, branche et
coupon (Musée d'art et d'histoire de Clamecy)
Au port de Migennes, soit environ 60 km après Clamecy,
les dimensions de la rivière permettent d’assembler 2 trains, soit 4 à 500
stères de bois sur près de 100 mètres de long sur 10 de large et cela jusqu’à
Paris.
- En 1672, Colbert réglemente
l’activité du flottage.
- En 1764, depuis quelques temps, concurrence,
péripéties, altercations, mélange des bois, marchands souhaitant arrêter ou
accélérer leurs bois, contestations en tous genres, dommages, plombent la
filière. Les notaires ont fort à faire pour constater et les choses traînent…
Les marchands nomment un Commis Général, plutôt favorable aux vues
parisiennes ce qui conduit à une révolte des morvandiaux contre ce
dépouillement de leurs biens et à la création des « commerces ». 3 seront
créés pour le transport « à bûches perdues » et 1 pour la descente en «
trains » et seront dirigés par une « administration indépendante ».
De leur côté, ajoutant à la
colère des paysans qui voient diminuer leurs ressources, la noblesse et les
grands propriétaires tentent par de nombreux procès de limiter les droits
d’usage qui affaiblissent leurs propriétés mais aussi et surtout, qui les
privent d’un énorme profit.
- En 1790, l’assemblée constituante demande à
l’Académie des sciences de définir un nouveau système global pour les poids et
mesures.
La commission désignée retiendra un système décimal
qui, après les études de Delambre et Méchain, sera rendu obligatoire le 4
novembre 1800, non sans mal, notamment dans les professions des flotteurs.
- En 1804, le flottage connaît son apogée avec près de
4 600 trains construits représentant environ 90% des besoins parisiens.
- En 1814, après la restauration, le système métrique
est aboli, jusqu’en 1830 pour être à nouveau réintroduit le 4 juillet 1837,
puis rendu définitivement obligatoire le 1er janvier 1840.
- En 1820, l'Yonne et ses affluents charrient 92 500
cordes de bois (46 250 décastères)
- Le 5 avril 1837 ce sont à
nouveau les Flotteurs qui manifestent dans l’émeute dite « des Boisseaux ».
En effet, ce jour là, les anciennes mesures (les
boisseaux) devaient être remplacées par les toutes nouvelles mesures décimales
dont les Clamecyçois ne voulaient pas entendre parler. Ce différent les opposa
violemment pendant plusieurs jours aux gendarmes (à l’heure du marché
dit-on…).
Le 8 avril, Le Préfet ne voit
pas arriver la Garde Nationale qu’il avait pourtant convoquée (et dont
certains membres auraient même rallié la cause Clamecyçoise).
L’ affaire se terminera le 12 avril avec l’arrivée de
4 escadrons du 1er Lanciers de Moulins et d’un détachement de 300 artilleurs
venus de Bourges, des arrestations (entre 100 et 600 suivant les sources…), et
des condamnations (les sources parlent de 29 mises en accusation, mais aussi
de 6 peines de morts, 7 condamnations aux travaux forcés et de nombreuses
déportations à Cayenne ou en Algérie).
- Le 15 juillet 1854, début des travaux du barrage du
lac des Settons (on parle alors d’une digue). Ce barrage, construit sous
l’impulsion d’André Dupin, était conçu pour faciliter le flottage du bois sur
la Cure. Il fut inauguré le 18 mai 1858.
 Le barrage des
Settons en 2013
- Dès 1881, le raccordement de Vermenton au canal du
Nivernais conduira à l’interdiction des éclusées, le passage des trains
deviendra problématique et la livraison vers Paris se fera désormais via des
bateaux qui viendront charger sur les rives du Canal.
- Le 1er juillet 1894
apparaît l’industrie de transformation du bois. La Société des Produits
Chimiques de Clamecy (SPCC) a eu une importante activité dans la carbonisation
du bois et l'exploitation de produits chimiques dérivés.
En 1950, la SPCC employait près de mille
personnes.
- Le flottage connut une diminution drastique avec
l’arrivée du charbon : le volume passe de 7 200 décastères en 1850 à 782 en
1920.
- Le flottage cesse définitivement d’exister en 1924.
- Les années 1960 et la concurrence du pétrole
condamnèrent rapidement le procédé de transformation du bois de la Société des
Produits Chimiques de Clamecy (SPCC) (ce fut également le cas de l'usine
Lambiotte de Prémery).
L'ancienne usine de Clamecy abrite maintenant un
établissement de chimie beaucoup plus modeste et dépendant du groupe
international
Rhodia.
L’aménagement des cours d’eau
Toute cette
chronologie ne vaudrait pas sans les aménagements des cours d’eau destinés à
faciliter le flottage.
Les rus les plus paisibles étaient entravés de digues
formant étangs qui à leurs ouvertures, généralement synchronisées, apportaient
au flot la vigueur suffisante pour emmener les bûches.
( Voir également la rubrique de ce site
consacrée aux Etangs en cliquant sur ce lien)
Lorsqu’il n’était pas possible de bâtir une
digue, on avait recours à des « alingres », des barrages légers fait de
perches de bois et adossés sur les parties solides du lieu.
Des gués étaient également identifiés et entretenus
pour le passage des attelages.
Les piétons quant-à eux utilisaient des « planches »,
ponts de construction légère en bois.
Des « ports » étaient aménagés sur certaines parties
des cours d’eau tels le « Port des Lamberts » ou le « Port des Moines » sur
l’Yonne. Ils avaient vocation à stocker les bûches en bordure des cours avant
une remise à l’eau ordonnée.
Reconstitution du
port des Lamberts
L’« écoulage » devait donc être favorisé par un
entretien minutieux du lit des rivières. Les branches, arbres morts devaient
bien sur être retirés mais il fallait également apporter de grosses pierres
pour protéger les berges fragiles, réduire éventuellement la largeur du
ruisseau avec des pieux pour maintenir un débit si possible constant, prévoir
la protection des moulins qui n’auraient pas résistés au passage de bûches
dans leurs roues.
Tous ces longs parcours, qui pouvaient représenter
quelques 30 km, étaient placés sous la surveillance des « Poules-d’eau »
chargés de prévenir les formations d’embâcles. C’était notamment le cas sur les
cours d’eau comprenant des « sauts » (Gouloux, sur le Caillot), cascades
naturelles où les embâcles étaient constants malgré une surveillance
permanente.
 A gouloux,
pas de répit pour les "poules
d'eau"
|
 Gouloux de
nos jours...
|
Ils assuraient cette tâche jusqu’au printemps, plongés
jusqu’à la taille dans une eau froide, pour ne pas dire gelée.
A la suite des « flots », les cours d’eau devaient
être nettoyés et les « canards » (les bûches qui avaient coulé) récupérés.
L’exploitation des coupes
Il arrivait que les
propriétaires des parcelles fassent couper leurs arbres par des bûcherons pour
les revendre ensuite mais généralement ils vendaient leurs arbres sur pied aux
marchands de bois, lesquels déléguaient l’ouvrage à leurs employés (Facteurs
de bois).
Outre les prix convenus à payer aux propriétaires, les
marchands devaient également s’acquitter de frais d’enregistrement, de taxes,
de dépose d’empreinte, d’aménagements éventuels des voies de débardage ainsi
que de l’embauche de tous les ouvriers.
Chronologie des opérations
Chronologie bien
simplifiée s’il en est, mais qui a pour but de montrer que le flottage était le
travail de toute une année.
- Le premier travail, il va
de soi, consistait à trouver du bois à couper et à vendre. Ce travail se
déroulait l’hiver.
- Les bois coupés et débités étaient menés jusqu’au
bord des rivières, sur les « ports ». Ils y étaient marqués de l'empreinte de
leurs propriétaires, empilés et stockés jusqu’en novembre suivant.
- En novembre, la « Foire aux bois » de Château-Chinon
rassemblait propriétaires forestiers et marchands de bois. Les négociations
étaient âpres et les bois changeaient de mains.
 L'annonce de la
foire aux bois (Musée d'art et d'histoire de
Clamecy)
- La vente effectuée, les bûches recevaient une
nouvelle marque, à chaque extrémité, à côté de celle du forestier, celle du
marchand de bois. Cette opération devait être effectuée rapidement pour
permettre la mise à l’eau des bûches alors que les rivières étaient hautes.
La « Société Scientifique de Clamecy » précise que
plus de 400 marques ont été répertoriées, les marteaux, de véritables œuvres
d’art pour certains, ayant été majoritairement fabriqués à Clamecy (Maisons
Berner, Berrier, Bouvier…).
 Quelques une
des...
|
 ... 400
marques...
|
 ... et quelques
marteaux réunis par le Musée d'art et d'histoire de
Clamecy
- C’est aux alentours du 15 novembre
qu’avaient lieu les premières mises à l’eau qui devaient emporter les bûches
vers les ports avals de plus grande importance (Petit flot).
- Jusqu’au mois de mars, les
flottages étaient surveillés, les bûches extraites, triées, ré-empilées pour
être à nouveau remise à l’eau en direction de Clamecy par un flot plus
important (Grand flot). Le travail était considérable et la main d’œuvre
importante. C’est aussi ce qui a valu à Clamecy sa qualité de « Capitale du
bois ».
- En juillet, tous les bois
étaient récupérés, c’était la « mise en état ». C’était aussi l’occasion pour
les marchands de bois parisien de venir négocier et acheter des monceaux de
bûches. Des bûches qui changeaient à nouveau de main et recevaient une
troisième marque.
- Les bois restaient alors sur place, par manque
d’eau, jusqu’en septembre. Là commençait la construction des « trains » qui
seront guidés jusqu’à Paris.
Le petit flot Depuis les coupes vers la « Haute Yonne »
Le mois de novembre.
C’était le moment propice pour jeter les premières «
bûches perdues », la période pendant laquelle les plus petits cours d’eau
avaient un débit suffisamment important grâce aux pluies du Morvan.
 Les tâches étaient
annoncées (Musée d'art et d'histoire de Clamecy)
Le petit flot consistait à mettre à l’eau les bûches
depuis les plus petits ruisseaux afin de les emmener vers la vingtaine de ports
situés en aval.
 Mise à l'eau (Carte postale Musée d'art et d'histoire de Clamecy)
Chaque ruisseau disposait de sa propre retenue d’eau,
généralement des étangs existant, qui avaient été creusés spécialement où des
« pêcheries » qui existaient déjà constituant une ressource en poissons
pour améliorer l’ordinaire et dont on avait surélevé les berges.
Des lâchés d’eau étaient
effectués au départ du flot afin de favoriser « l’écoulage », un « écoulage »
également aidé par l’entretien minutieux des cours d’eau.
Ce petit flot ne pouvait emporter les bûches que
jusqu’au cours supérieur de l’Yonne. Elles devaient donc être extraites puis
empilées sur les 22 ports de jetage où elles attendaient le grand flot.
Le grand flot Depuis la « Haute Yonne » jusqu’à Clamecy
Le mois de mars.
L’hiver et l’exploitation des bois en forêt sont
terminés, le dégel a commencé et les étangs sont pleins et libres (enfin
presque, c’est le Morvan…).
Le lâché qualifié également de « grande crue
artificielle », allait emporter les bûches jusqu’à Armes, Crain et Clamecy.
Le jour « J » du grand flot, généralement au
alentour du 15 mars, était annoncé par voie d’affichage. Tous les ouvriers
devaient être en place.
Avissss à la
population (Musée d'art et d'histoire de
Clamecy)
Depuis les 22 « ports de jetage » on mettait les
bûches à l’eau puis les retenues étaient ouvertes et les « poules d’eau »
veillaient au bon « écoulage ».
Les premières bûches jetées le matin arrivaient dans
l’après midi à Clamecy.
L’arrivé du flot était une
fête, un spectacle attendu par tous mais c’était aussi un travail assuré pour
beaucoup. Ce flot était aussi une frustration car la masse de bois était telle
qu’il était impossible d’en arrêter la tête qui de ce fait était destinée aux
villages situés en aval.
Elle ne sera stoppée que plus tard par la
fermeture du pertuis.
Les poètes disaient que l’eau disparaissait,
appelaient cela une rivière de bois, disaient aussi que c’était beau et qu’ils
étaient tentés de la traverser à pieds secs, mais malheur à qui s’y risquait…
Extrait du
panneau situé aux abords du perthuis de Clamecy
Dès lors le travail pouvait (re)commencer :
sortir de l’eau (tirage) le volume de bûches défini pour chacun des 30 ports
situés sur les rives de l’Yonne, les empiler sur les brouettes à claire-voie,
les déplacer jusqu’au « port » situé en surplomb, les verser sur l’« atelier
» (un centre de tri….), les trier (tricage) selon les diverses marques et
enfin les empiler selon des règles et des techniques très précises…
Surveillance
sur les ports et rivières
|
 Surveillance
sur les ports et rivières, garde des bois de Toucy, Et garde des forêts de la
couronne
|
Une ordonnance de 1672 en précisait effectivement les
hauteurs, longueurs et espacements à respecter, et le respect de ces règles
était vérifié par les « Garde ports »
 Le tirage et
la mise sur brouette à claire-voie (Carte postale Musée d'art et
d'histoire de Clamecy)
|
 Brouette à
claire-voie (Musée d'art et d'histoire de
Clamecy)
|
 L'empilage
mais aussi le déjeuner (Carte
postale Musée d'art et d'histoire de Clamecy)
|
 Tout était
soigneusement noté (Musée
d'art et d'histoire de Clamecy)
|
Des centaines de personnes, hommes, femmes et enfants
avaient un « emploi »
L’été, période de repos et
d’élection
Le mois de juillet.
A la mi-juillet, tous les bois étaient extraits et
empilés : « mis en état ».
C’était le moment des
réjouissances.
A la Saint Nicolas, Saint patron de la corporation des
flotteur, des joutes étaient organisées (et le sont toujours chaque 14
juillet…) : deux équipes, des barques avec plate-forme, deux rameurs, un
barreur et un jouteur par barque.
A l’origine les jouteurs ne
disposaient pas (semble-t-il) de bouclier ou autre protection à l’exception
d’une boule ou bourrelet de cuir placé à l’extrémité de leur lance.
 Maquette de
jouteurs (Musée d'art et d'histoire de Clamecy)
Au fil des passes restent les 2 meilleurs : le vaincu
sera nommé « Le Roi Mou » et le vainqueur « Le Roi Sec ». Il sera par la même
occasion élu porte-parole des flotteurs pour l’année.
Dès lors, les flotteurs étaient au
chômage jusqu’en septembre et laissaient place aux marchands et négociants.
Les trains vers Paris
Il ne s’agit pas là de
monter à la Capitale pour faire du tourisme, loin s’en faut.
La construction d’un train de
bois monopolise une demi-douzaine d’ouvriers pendant environ une semaine.
Un train de bois c’est avant tout un radeau, mais un
maxi-radeau, quelques 75 mètres de long, 4,50 à 5,00 mètres de large sur
environ 0,50 mètres de hauteur, ce qui représente un volume moyen de 200
stères, manœuvré à la perche.
 La reconstitution
de ce train de bois aux abords du pont de Betlhéem à
Clamecy ne représente qu'environ 30 mètres de
long...
La « Société Scientifique de Clamecy » les définie
ainsi :
« Les trains étaient faits de
deux parties principales égales appelées parts, constituées chacune de 9
coupons formés de 4 couches de bûches superposées. Les coupons étaient
assemblés par des rameaux de bois vert "les chantiers" liés par des branches
souples "les rouettes". Là, apparaissait un creux, sorte de panier que l'on
remplissait de bûches bloquées entre elles par des bûches plus minces
enfoncées à force avec un maillet. Dès que les différentes parties - "les
coupons" - étaient terminées, elles étaient poussées à l'eau et assemblées
entre elles.
Les extrémités des trains
étaient allégées grâce à l'emploi de bois légers comme le bouleau qui évitaient
au radeau, dans les rapides modestes mais fréquents entre Clamecy et Auxerre,
de plonger et de se ficher sur les hauts fonds. Le train de bois était un
assemblage solide mais souple et tout à fait apte à s'adapter aux sinuosités du
parcours entre Clamecy et Paris. »
Le voyage durait deux
semaines et les embûches étaient nombreuses : Courant, pertuis, piles de ponts,
moulins, navigation… pour ne citer que celles là…
 La passage
des bûches au perthuis de Clamecy (Carte postale Musée d'art et
d'histoire de Clamecy)
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 Le pertuis de
Clamecy en 2013
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Une fois à quai, les « débardeurs » (parisiens)
démontaient les trains et empilaient à nouveau les bûches en d’immenses piles
qui portaient alors le nom, très parisien lui aussi, de « Théâtres ».
 Image d'un
"Théatre" parisien (Musée d'art et d'histoire de
Clamecy)
Le travail des flotteurs était terminé ! Du moins si
l’on excepte le fait qu’ils devaient encore rentrer à Clamecy… A pieds !
Les péages
Paradoxalement, peu de
documents font véritablement état du poids des péages instaurés souvent
abusivement par les seigneurs.
Un article de « Anne Conchon », « Péages et transports
du bois aux XVIIème et XVIIIème siècles » (Forêt et transports traditionnels –
CNRS Institut d’histoire moderne et contemporaine) précise toutefois :
« Les péages qui pesaient sur
ces trafics, en revanche, ont fait l’objet de mentions très succinctes dans
des monographies régionales et quelques articles. Jean Gigot s’était
intéressé à la question des péages par eau dans le cadre de ses recherches
sur le flottage du Morvan.
Jean-Marie Yante en a fait
autant pour le transport des bois vosgiens. Cette maigre collecte
historiographique dégage l’impression que ces droits auraient une faible
incidence sur le transport des bois et son coût.
Or plusieurs mémoires,
conservés notamment dans les archives de la Commission des péages, dénoncent au
XVIIIe siècle le poids de ces droits sur les expéditions de produits
forestiers. En outre, les marchands de bois, quand ils n'intentent pas
eux-mêmes des procès contre les seigneurs péagers, s'associent fréquemment aux
procédures engagées par d'autres voituriers. Les péages, selon eux, seraient
responsables du renchérissement des coûts de transport et des prix de
revient, et pénaliseraient en amont la valorisation des forêts. »
« Ces péages dégageaient de
substantiels profits quand ils étaient situés à proximité de forêts exploitées
et des axes d’écoulement de leur récolte. Ainsi, aux dires du redresseur des
trains au passage du pont de Melun, le seul flottage des bois rapportait
annuellement au duc de Praslin, propriétaire du péage, quelque 400 livres à la
fin du XVIIIe siècle. Les registres de perception témoignent d’ailleurs, pour
les dernières années de l’Ancien Régime, de l’importance des trafics de bois
neufs et de charbon. »
« Malgré ces exemptions
(notamment des certificats de franchises délivrés par les officiers des
maîtrises des Eaux et Forêts) sur certains transports
de bois, les péages constituaient un motif récurrent de plaintes de la part
des marchands de bois et des entrepreneurs de flottage. Ils protestaient
contre les retards qu'occasionnaient les arrêts au bureau de perception. Au
péage de Joigny- sur-Yonne, ils déploraient ces « instants précieux surtout
lorsque les eaux sont grandes et qu'on est menacé de glaces ». Plus grave
encore, ces stations répétées favorisaient les accidents : « Il est très
difficile d'arrêter les bateaux et les trains de bois, surtout dans les
endroits où les péagers exigent despotiquement qu'ils soient arrêtés pour
percevoir leurs droits de péage ; les trains se rompent souvent, les bateaux
se blessent et périssent ». Ce topos du procès intenté aux péages mérite
d’être nuancé. En effet, l'abonnement semble avoir été couramment utilisé
dans le transport des bois. Moyennant un forfait annuel, flotteurs et
voituriers circulaient sans s'arrêter pour effectuer la déclaration du
chargement et acquitter les droits. Ces abonnements, qui reposaient le plus
souvent sur des accords verbaux, sont connus par des mentions indirectes ou
par les récapitulatifs mensuels des registres de perception. Par ailleurs,
on
sait qu’il était fréquent
qu’un facteur précède le passage d’un chargement de bois pour acquitter les
droits correspondants.
A l’instar des autres
utilisateurs de la voie d’eau, les marchands de bois dénoncent les perceptions
abusives et le défaut d’entretien des infrastructures, alors que ces droits
sont censés le financer. Il n'était pas rare, d’ailleurs, que des marchands de
bois pourvoient eux- mêmes aux dépenses les plus urgentes, quitte à se
retourner contre les propriétaires de péages négligents pour rentrer dans
leurs débours. »
Les métiers
-
Approcheurs
Avec leurs brouettes (à claire-voie, conçues pour
l’usage), ils menaient une ronde incessante entre le bord de l’eau où l’on
récupérait les bûches et les « ateliers », lieu où on les déposait en vrac, à
disposition des empileurs.
- Bûcherons
Outre l’abattage des arbres dont certains étaient
spécialement destinés à la charpente, il leur revenait de préparer les bûches
pour la « moulée », le bois de charbonnage ainsi que de chantiers. Il était
fréquent qu’on leur fit cadeau des copeaux qui pourtant étaient aussi vendus.
- Charbonniers
Ils transformaient le bois en charbon de bois. Ils
construisaient sur place les fourneaux de bois qui leur servaient à chauffer la
« sole ». Ils réalisaient fréquemment ce métier avec femme et enfants qui
s’installaient avec eux sur place dans des cabanes (des loges).
- Charpentiers
Leur spécialité était de dégauchir les pièces sur
place avec une hache dite « à blanchir » dont la lame est de biais par rapport
au manche.
- Empileurs
Ils ont la charge d’empiler les bûches selon des
quelques règles bien définies. Généralement une hauteur de 3 mètres sur
quelques 30 ou 40 mètres de longueur et avec un écartement de 66cm entre les
lignes, destiné au passage des vérificateurs (des « Jurés-Compteurs » et des «
Gardes-Port ») jugeant du bon empilage et de la qualité des bois.
- Facteurs de
bois
Ils étaient chargés par le marchand de bois de la
surveillance et de la bonne exécution des travaux sur l’ensemble de la coupe.
- Fagotiers
Leur tâche essentielle était de confectionner les
fagots. Ils étaient payés au cent fagots. Il paraîtrait qu’on leur fournissait
la paille pour dormir dans le bois…
- Femmes et
enfants
Après un premier flottage, les bûches extraites des
rivières sont triées suivant les marques (les empreintes). Les femmes et
enfants qui participent à cette activité les apportent aux empileurs.
- Galvachers
Unanimement reconnus, les galvachers du Morvan, leurs
chariots et leurs paires de bœufs transportaient tout, même l’impossible.
Grumes, charpentes, chantiers, écorces et bûches seront amenées à leurs
destinations.
- Garnisseurs
Généralement des jeunes, ils sont chargés
d'introduire des bûches à coup de maillet dans les branches d'un train au fur
et à mesure de sa construction.
- Jeteurs
Ils jettent les bois mis au coulage à un «
porteur », en place dans le ruisseau,
- Marteleurs
Leur mission est de marquer toutes les bûches. A
l’aide d’un marteau gravé, ils doivent ajouter, à chaque extrémité de la
bûche, la marque de chaque marchand à celle déjà présente du propriétaire
forestier.
- Poules d’eau
Ils étaient placés à des endroits stratégiques et
chargés de dégager les bûches formant embâcles au moyen d’un « croc », crochet
monté au bout d’un long manche
- Scieurs
Les scieurs de long ! Un travail pour le moins
étonnant qui consistait à scier les pièces dans leur longueur. La nature même
de ce travail impliquait que le bois soit placé de manière à être accessible
dessus et dessous. Un scieur dessus en équilibre (dénommé « le singe »), un
autre dessous dénommé « le renard ») actionnaient une longue scie dont la lame
était fixée au milieu d’un cadre de
bois.
Les outils et accessoires
Divers et variés
suivant les corps de métiers.
Le croc :
Utilisé par les « poules d’eau » pour limiter les embâcles
Un croc (Musée d'art et d'histoire de Clamecy)
La couplière :
rouette comportant une boucle à chaque extrémité
 Deux couplières (Musée d'art et d'histoire de Clamecy)
L’empreinte ou marteau à
graver : plus de 400 marques auraient été répertoriées
La hache, la cognée, la scie : Outils essentiels
du bûcheron
Le picot :
Crochet acéré monté sur un long manche pouvant mesurer 3 à 4 mètres destiné à
tirer le bois de l’eau
La rouette :
tiges souples utilisées pour ficeler les fagots ou lier les perches aux
radeaux.
La serpe
:
Utilisée par les fagotiers
Les produits
Le
bois de souche
: provenant de la partie basse des grosses branches
Les chantiers :
rameaux de bois vert
Les charpentes :
destinées à la construction, elles seront par la suite débitées selon les
besoins en poutres, chevrons, planches…
Les écorces :
destinées aux usines de tannage
Les fagots :
fagots de bois issus de la rame
Les gros copeaux
: vendus pour le chauffage
Les lattes :
fines planches de bois
Les margotins : petits fagots de bois d’allumage
 Empilage de
margotins (Musée
d'art et d'histoire de Clamecy)
|
 Confection de
margottins (Photo "Touring Club de France" antérieure à 1905)
|
Les merrains :
pièces de bois (chêne) fendues en minces planches destinées
à la tonnellerie.
La moulée :
terme générique désignant le bois de chauffage, coupée à 1, 14 mètre et
refendue si nécessaire
Les Paisseaux :
Pieux destinés à la vigne
Les perches :
proviennent de longues branches
La rame : elle
était transformée en fagot ou vendue aux boulangers ou aux tuileries.
Les rouettes :
tiges souples utilisées pour ficeler les fagots ou lier les perches aux radeaux.
Unités de mesure
Stère
: 1 m3
Branche : 3
stères
Coupon : 4
branches forment un coupon = 12 stères
Part : 9 à 10
coupons forment 1 « part » = 120 stères
Train : 2 parts
forment 1 « train » = 240 stères
Décastère : une pile de 3 mètres de haut sur 3 de
long (les bûches – ou moulées – étaient coupées à 1,14 mètre soit 10,26 m3)
Corde : unité de volume équivalente à 3.6246 m3 ou
3.6246 stères, due à une longueur de bûches et à un empilage différent.
Le nombre de stères composant une corde est
particulièrement fluctuant suivant les régions, il peut varier de 2 à 6.
Pour information, conversions des bois pleins / en bûches /
déchiquetés
Extrait du « Mémento de conversion des
unités de volume de bois-énergie »
publié par « AJENA »
 Les bois durs sont le charme, le hêtre, le chêne, l’orme et
l’acacia.
Les bois tendres sont les autres bois : résineux,
peuplier, tremble, bouleau, aulne...
L’élévation d’un buste à Clamecy
- En 1828, sur l’initiative de André Dupin (qui a sans
doute contribué trop fortement à la notoriété de Jean Rouvet), une
souscription fut ouverte pour élever une colonne portant un buste de Jean
Rouvet sur le pont de Bethléem.
Un problème se pose : personne ne connaît la
physionomie de Jean Rouvet et la souscription est relativement modeste (6 722,65 Francs paraitrait-il).
Le sculpteur David d’Angers contacté par André Dupin
aurait alors proposé un buste de Napoléon qu’il détenait dans son atelier et
qu’il se proposait de modifier quelque peu.
Il faut préciser qu’un buste
de Napoléon tel quel sous Charles X n’était probablement plus vendable et que,
en plus d’être de mauvais goût, c’était aussi une provocation vis-à-vis du
gouvernement de l’époque…
- 26 octobre 1828,
inauguration du buste en hommage à Jean Rouvet sur le Pont de Bethléem.
- Le 20 avril 1913 un arrêté
classe le buste de Jean Rouvet au titre des monuments historiques (objet
mobilier). - Dans les débuts
de la guerre 39/45, le buste est discrêtement enlevé et caché afin d'éviter
qu'il ne soit fondu avec l'ensemble des métaux prélevés. Jusqu'en 1945, le pont
de Bethléem reste vide de son flotteur.
- Le 14 juillet 1945, « Le
Flotteur », sculpture de Robert Pouyaud commandée par le maire de Clamecy de
l’époque, Monsieur André Sauvan, est officiellement érigé en lieu et place
du pseudo buste de Jean Rouvet.
Les raisons de ce remplacement seraient, paraît-il, dues a
une « légende » selon laquelle « David d’Angers aurait portraituré Bonaparte
et que Jean Rouvet n’était par Clamecyçois ».
Donc en 1828 il n’était pas possible de savoir s’il
était Clamecyçois ? Toujours
est-il que ce nouveau flotteur a connu quelques désagréments. A plusieurs
reprises, au moins 2 connues avec certitude, son "croc" initialement réalisé en
bois a disparu, probablement jeté à l'Yonne (s'il n'a été récupéré en chemin,
il a atteint la mer depuis longtemps...). A une date
encore incertaine, probablement au milieu des années 1960 (début 1966 ?), un
nouveau croc, en métal celui là, fut commandé par la municipalité, forgé et
installé par Jean Pautrat, "Le Jeannot", travaillant alors chez Jean
Moret, rue de la Gravière à Clamecy. Les doigts de la
main du flotteur forment un cercle creux dans lequel coulisse le croc,
aussi, afin d'éviter qu'il ne finisse une fois de plus dans l'Yonne (et reste
cette fois sous le pont de Bethléem), Jean Pautrat eut la bonne idée de
cheviller la base du croc dans le socle du flotteur. Idée judicieuse qui évite
aussi de casser la main en tirant sur le croc.
Quant-au buste de Jean Rouvet, il existe
toujours. Il est installé au pertuis depuis 1949, sur
la pointe de l’éperon de « l’écluse des jeux ».
 La pointe de
l'éperon et le buste de
Jean Rouvet...
|
 ... qui, à
bien y regarder, laisse entrevoir quelques
ressemblances Napoléoniennes
|
|
|
On peut donc légitimement se demander quels critères
ont prévalu au classement de cette sculpture au titre des monuments
historiques.
La forêt bourguignonne aujourd’hui
Un comparatif à l’aide
des cartes « Cassini » permet d’apprécier l’évolution de la couverture
forestière bourguignonne.
Le document de Daniel
Vallauri., Audrey Grel., Evelyne Granier, Jean-Luc Dupouey, 2012. Les forêts de
Cassini. Analyse quantitative et comparaison avec les forêts actuelles,
précise que cette couverture reste constante, bien que les essences feuillues
aient tendance à céder le pas aux résineux (le sapin de Noël n’en est pas
innocent…) :
« Très boisée sur la carte de
Cassini comme aujourd’hui (26% contre 31% respectivement), la région compte
une trame de noyaux forestiers anciens assez continue, comptant pour plus de
la moitie des forêts actuelles. Parmi les très grands noyaux forestiers
anciens, nous citerons les massifs de Châtillon (forêts domaniales de
Châtillon, de Lugny et de la Chaume), le Nivernais (forêts domaniales des
Bertranges, de Bellary et divers bois privés) et le massif de la forêt
domaniale d’Othe, entre Sens et Auxerre.
Le Morvan comporte une part
significative de forêts récentes, du fait de larges reboisements dans la
seconde moitie du XXe siècle. La zone autour de Louhans et celle entre
Montceau-les-Mines et Gueugnon ont été a l’inverse significativement déboisées
depuis la carte de Cassini. A l’Est, de même, la Bresse bourguignonne a été
particulièrement déboisée. »
Remarques
Le vol de bois flottant
(et de bois en général) était sévèrement réprimé : galères jusqu'au XVIIème
siècle, bagne jusqu'au XIXème.
Des « bons pour faix de bois » pouvaient être remis
aux ouvriers qui les échangeaient contre des bûches. Ces bûches, 5 à 7 suivant
qu’il s’agissait d’un enfant ou d’un adulte, devaient être visibles, et donc
portées à l’épaule.
Une reconstitution à Vauclaix
A Vauclaix (58), le 12
avril 2015 a eut lieu une reconstitution de "jeter de bûches", vous pouvez en
voir ci-dessous 3 petites vidéos :
Reconstitution d'un train de bois pour
Paris
L'Association
"Flotescale"( http://www.flotescale.org/index.php) a reconstitué un train de bois grandeur nature et
l'a envoyé (du 7 juin au 5 juillet 2015) depuis Clamecy vers Paris par le
Canal du Nivernais, l'Yonne et la Seine.
La traversée de Paris entre le Port de Bercy et le
Port de Boulogne ne manquera pas de faire sensation.
Au départ, la longueur du train a nécessité de le
"couper" en 2 afin de lui permettre le passage des écluses. Ensuite,
Sécurité et réglementation obligent, les 2 demi-trains ont été équipés chacun
de 2 moteurs... ce qui fait dire au public des bords de l'eau "que les rames et les perches font un drôle de
bruit"...
Si les eaux du Canal du
Nivernais ont pu être calmes pour ces valeureux
"bucherons/marins/transporteurs" que sont ces nouveaux flotteurs, les passages
de l'Yonne et de la Seine et la proximité des péniches, risquent d'être
beaucoup plus impressionnant. Voir également l'album photo du passage de l'écluse de
Lucy => 
Sources documentaires
- Claude Coutépée,
Description générale et particulière du duché de Bourgogne ..., Volume 3
- Jacques-Félix Baudiau, Curé de Dun-les-Places, « Le
Morvand, ou essai géographique, topographique et historique sur cette contrée
»
- Ardouin Dumazet, Voyage en France, 1893
- Jean-BaptisteThomas, Traité général de la
statistique, culture et exploitation des bois - chapitre premier - statistique
et progrès de la consommation des bois en France depuis Philippe le bel
(1300),
- Frédéric Moreau, syndic du commerce du bois oeuvrer
de Paris, Histoire du flottage en trains, Jean Rouvet et les principaux
flotteurs anciens et modernes. (Daudin et Fontaine – 1845),
- Jean-Paul Bravard, Le flottage du bois et le
changement du paysage fluvial des montagnes françaises
- Anne Conchon, Péages et transports du bois aux
XVIIème et XVIIIème siècles (Forêt et transports traditionnels – CNRS Institut
d’histoire moderne et contemporaine)
- Daniel Vallauri., Audrey Grel., Evelyne Granier,
Jean-Luc Dupouey, 2012. Les forêts de Cassini. Analyse quantitative et
comparaison avec les forêts actuelles. Rapport WWF/INRA, Marseille, 64 pages +
CD.
- Roland Niaux, Archéologie contemporaine du flottage
des bois sur l’Yonne et ses affluents Voir tous les
textes de Roland Niaux ici :
https://sites.google.com/site/vniaux/home
- P. Benoit, K. Berthier, J. Rouillard A.-C. Angéli -
La crise du bois à Paris au XVIe siècle et la naissance du flottage dans le
bassin de l’Yonne
- Annie Delaitre-Rélu, Le Grand Flot : tirage,
tricage, empilage - Jean et Muguette Pautrat - AJENA - Mémento de conversion des unités de volume de
bois-énergie
- La « Société Scientifique de Clamecy
- Encyclopédie Méthodique - Arts et métiers mécaniques
- 1784 "Flottage en trains de Bois" ou la construction d'un train de bois
et le vocabulaire de l’Art du Flottage en trains de Bois
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