Boissons antiques

Petite histoire de quelques boissons anciennes

Préambule

"L'abus d'alcool est dangereux pour la santé, consommez avec modération"

Pour toute information voir :
https://www.alcool-info-service.fr/alcool/loi/alcool-reglementation-publicite

Voilà, ça, c’est fait !

Aux origines

Si l’on en croit l’histoire, la première consommation d'alcool chez nos ancêtres remonterait à 10 millions d’années.

Cette origine serait associée à un temps de l’évolution où le stockage de la nourriture et la fermentation naturelle étaient en pleine essor.

L’homme dit « moderne » n’existait pas encore et ce serait donc son ancêtre, commun aux gorilles et chimpanzés, qui aurait été à l’origine de la boisson fermentée dans son alimentation.

L'alcool déshydrogénase (ADH4)

Il s’agit de la première enzyme de l’appareil digestif à métaboliser l’alcool.

Cette protéine permet à un organisme de mieux tolérer les produits fermentés produisant de l’éthanol.
Pas question ici de résumer cette étude complexe.
Sachez seulement qu’elle a porté sur une partie de ceux qui auraient été nos ancêtres : 28 mammifères différents dont 19 primates modernes.

Elle a mis en évidence « l’existence d’une mutation du gène codant pour cette enzyme, survenue il y a 10 millions d’années ».

Nos ancêtres qui auraient été contraint à « descendre des arbres » en raison de modifications climatiques, auraient donc commencés à se nourrir des fruits tombés contenant de plus importantes concentrations de levures fermentées et d’éthanol.

Un généticien américain, Matthew Carrigan, a récemment révélé (2015) « qu’à cette période, l’ancêtre africain commun à l’homme et aux grands singes est devenu capable de métaboliser l’éthanol contenu dans l’alcool quarante fois plus vite qu’auparavant ».

Ce serait cette modification de leur régime alimentaire qui aurait amené (et maintenu) la mutation de l'enzyme qui serait alors devenu 40 fois plus performante.

Donc 10 millions d’années plus tôt, cette enzyme était beaucoup moins performante et nos ancêtres étaient donc plus coutumiers de la fameuse « gueule de bois ».

Pour de plus amples explications scientifiques, je vous renvoie à votre Wikipédia préféré.

Les premiers essais

Il se pourrait que les premiers hominidés, il y a quelques 100 000 ans, aient fait du vin, de la bière et autres alcools forts à partir de fruits sauvages.
Dans l’inventaire on retrouvait peut-être de la figue (censé être le fruit le plus ancien au monde), des physalis, du kumquat, des fruits de l’arbre-éléphant (marula, utilisé aujourd’hui pour fabriquer du bioéthanol), du miel, divers grains à moudre, des racines, des herbes ou des épices.
Tout alcool produit par les micro-organismes et enrichis en sucre était addictif.
Il parait que « Cela soulageait la douleur, stoppait les infections et soignait les maladies. Ceux qui buvaient les boissons fermentées vivaient plus longtemps et par conséquent se reproduisaient plus ».

Ajouté à cela que les herbes et résines aux propriétés dites « médicinales » avaient la faculté de se dissoudre plus rapidement dans ce que l’on n’appelait pas encore de l’alcool et augmentaient les effets bénéfiques des « potions ».

Mais ce n’était pas tout, les différents ingrédients apportaient aussi des couleurs, arômes, nutriments et bien sûr de l’énergie et, touche finale, favorisait la digestion.

Et vînt ainsi la question : la consommation d’alcool est-elle inscrite dans nos gènes ?

Qui du pain ou de la bière ?

Cette même question de savoir qui est arrivé le premier, question que l’on pose souvent à propos de l’œuf et de la poule, a fait l’objet d’un débat anthropologique dans les années 1950.


Un pot de bière, fabriqué a partir de limon du Nil cuit

Deux scientifiques, Robert Braidwood (architecte, anthropologue et préhistorien américain, 1907 - 2003) et Jonathan Sauer (botaniste et géographe végétal, 1918 - 2008) ont débattu de la question.

Le premier prit position pour le pain, le second pour la bière.

Le pain (d’orge) aurait été « un élément conducteur durant la révolution du néolithique », la bière quant à elle aurait favorisé l’éducation des hommes.
Loin de moi l’idée de rouvrir le débat de ces scientifiques, je vous laisse répondre à la question qui en fait n’est pas « lequel est arrivé le premier ? » mais « lequel choisiriez-vous et pourquoi ? » (Sachant qu’il faut aussi passer par sa fabrication).

Côté bière d’orge, la teneur en alcool de 4 à 5% explique sa préférence de tous temps. Elle crée des liens dans une communauté, c’est un psychotrope puissant (qui agit principalement sur l'état du système nerveux central surtout lorsqu’elle est largement consommée).
Cette bière est également plus nutritive que le pain et contient plus de vitamines B et de lysine (acide aminé essentiel, que le corps ne peut produire et que l'on doit puiser dans les aliments).

Côté pain d’orge, sa faible teneur en gluten rend sa confection difficile.
L’abondance des enzymes amylases qui sont libérées pendant la germination (maltage) du gruau d’orge produit un liquide sucré. Les amidons d’orge sont ensuite transformés en sucres dans le processus de saccharification. La fermentation vient ensuite.

La bière n’était pas facile à fabriquer et l’orge demande beaucoup de transformation.
Pour la bière, les fruits mûrs sont riches en sucre, ont déjà de la levure sur leurs peaux, et fermentent naturellement après un simple pressage.
Le grain quant à lui est composé en grande partie d’amidons qui ont besoin d’être décomposés en sucre et qui manquent de levure.

Pas simple hein ?

L’alcool et l’évolution de l’homme

Si (je dis bien si…) l’alcool pouvait soulager la douleur, stopper les infections, soigner les maladies, il pouvait également favoriser une meilleure capacité à stocker les graisses ou à digérer et ainsi augmenter la durée de vie de ces antiques consommateurs.

Alors oui, l'alcool aurait bel et bien contribué à l'évolution de l'Homme.

Il paraitrait même qu’il « pourrait avoir joué un rôle dans l’arrivée de l’écriture ou des arts… » (Il serait méchant de dire que c'est à ce qu'ils consommaient que l'on reconnaissait leur style...).

Si l’abus d’alcool était probablement déjà (et reste) dangereux pour la santé, il semble avoir permis une certaine évolution et favorisé l’avenir de l’homme moderne.

Toutefois, comme le précise non sans humour Matthew Carrigan, « dégringoler, ivre, des arbres ou s’assoupir dans un environnement où rodaient les prédateurs leur aurait été fatal ».

La vigne et le vin


Nature morte à deux niveaux avec paysage de fruits et coucher de soleil-Severin Roesen
Musée d'art Nelson-Atkins

Si l’on en croit certains textes religieux, « Noé, homme de la terre, fut le premier à planter la vigne ».

Pour la petite histoire, Noé serait né 1 056 ans après la « création d'Adam » (et serait de la neuvième génération après Adam), et serait mort 2 006 ans après la création d’Adam, soit à l’âge de 950 ans.
Il fut contemporain de Mathusalem c’est vous dire…
Sauf que, le déluge après lequel il n’était censé rien resté est arrivé en l’an 600 de la vie de Noé et que rien ne dit qu’il avait embarqué des pieds de vignes sur son arche…

Alors ?

Il paraîtrait que les mots vin et vigne apparaîtraient dans l’ancien et le nouveau testament, respectivement 173 et 114 fois puis 41 et 32 fois (là, je n’ai pas vérifié…).

La vigne et le vin romain

L’apparition des premières vignes dans le monde se résume sensiblement à cela :

– 6 000 avant notre ère : apparition des premières vignes dans le Caucase réputé être le « berceau de la vigne et de la viticulture » et en Mésopotamie.
– 3 000 avant notre ère : la vigne est cultivée en Égypte et en Phénicie. Le vin n’est produit que pour les souverains et leurs proches.
– 2 000 avant notre ère : apparition des premières vignes en Grèce, importées et cultivées par des égyptiens. Cette culture deviendra si importante qu’elle fera « naître » Dionysos, dieu du vin et de la vigne.
– 1 000 avant notre ère : la vigne est importée en Italie, en Sicile et en Afrique du Nord.
– 1 000 à – 500 avant notre ère : les premières vignes apparaissent en Espagne, au Portugal et dans le sud de la France.
– 500 avant notre ère et jusqu’au Moyen-Âge : l’influence romaine permet l’implantation de la vigne au nord de l’Europe et jusqu’en Grande-Bretagne.

Durant l’antiquité les vins étaient coupés à l’eau. On y ajoutait des herbes et des aromates.
Le vin que l’on connait aujourd’hui (du moins celui qui y ressemblait) n’apparaîtra qu’au Moyen-Age.

Chez les Romains il s’agissait de « vin aigre » (vinum acer) ou vinaigre, dans lequel on ajoutait de l’eau (voir la « Posca »).
Au contraire, chez les légionnaires romains, subtilité, c’est ce vin aigre qui était ajouté à l’eau de leur gourde afin de la rendre plus rafraîchissante et surtout d’en éliminer quelques bactéries...


Amphore a vin

La vigne et les gaulois

Les gaulois étant d’excellents cultivateurs, la vigne se développa rapidement et les vins qu’ils produisaient étaient très appréciés des romains.


Amphores a vin Bibracte

Pour être complets, les gaulois ont aussi inventé les tonneaux (du celtique « tonn » qui désignait la peau, mais aussi un sac en cuir) de loin plus pratiques que les amphores et autres jarres de terre cuite pour la conservation et le transport du vin.

En l’an 92, les vins de Gaule étaient réputés et importés à Rome et dans toute l’Italie, tout comme ceux des vignobles espagnols issus de la colonisation romaine.
S’en fut trop pour l’Empereur Domitien qui ordonna l’arrachage de près de la moitié des vignobles de Gaule et interdit même toute nouvelle plantation en Italie.

Et 2 siècles plus tard, l’Empereur Probus fit exactement le contraire.

Quelques antiques breuvages

La majorité des breuvages qui ont pu être « reconstitués » l’ont été grâce à des analyses de résidus découverts dans d’anciennes poteries lors de fouilles archéologiques.

Ces résidus ont généralement été observés à l’aide de la « spectroscopie infrarouge à transformée de Fourier » ou spectroscopie IRTF, permettant ainsi de retrouver les traces des ingrédients utilisés.

Aujourd’hui, de nombreux « fabricants », brasseurs ou autres, proposent des produits se réclamant plus ou moins bien des breuvages listés ci-après.
Globalement ils peuvent vous donner une idée de ce qu’étaient ces délices…

A vous de voir…

1 - La bière égyptienne (ou Heneqet)

La première bière a été brassée par (pour) les Pharaons dans l'Égypte ancienne il y a près de 6000 ans.
Cette bière semblait être raffinée, de couleur claire, douce et assez proche de ce que nous buvons aujourd'hui.

Elle était élaborée à partir de froment ou d'orge et de dattes dont le sucre assurait la fermentation.
Des pâtons frais d’orge et/ou de froment étaient confectionnés et placés dans des fours le temps de faire dorer la croûte tout en laissant l’intérieur cru.
Les pains justes dorés étaient ensuite émiettés dans une grande cuve remplie d'un liquide sucré confectionné avec de l'eau et des dattes.
C’est là que le « brasseur » entrait en scène, piétinant le mélange de la cuve jusqu’à le rendre homogène.
La fermentation prenait quelques jours.
Le contenu de la cuve était alors transvasé dans de grandes jarres à l’aide d’une passoire destinée à retenir les gros morceaux de pain.
Pas question de jeter ces morceaux gorgés de bière, un brasseur les pressera pour en extraire tout le liquide qu’ils contiennent.

Une autre bière, de piètre qualité celle-là, était aussi élaborée avec du grain moisi…
Cette bière était toutefois très nourrissante et était consommée par les pauvres qui en faisait souvent leur repas.

C’est à partir de 1897 que des investisseurs belges ouvrent la Crown Brewery, la première brasserie d'Egypte, dans le quartier Ibrahimieh d'Alexandrie.


La première brasserie à Alexandrie
Colllection Norbert Schiller

Aujourd’hui, cette entreprise rachetée par un célèbre brasseur, produirait la « Birell », une bière sans alcool.

2 - La bière de Midas

Dans la mythologie grecque, Midas est roi de Phrygie (environ -600 avant notre ère, actuelle Turquie) mais aussi le héros de nombreuses légendes.
Un jour, Dionysos (Dieu de la vigne, du vin et de ses excès), est à la recherche de son père, le satyre Silène.
Pour remercier Midas de l’avoir trouvé, il lui accorde un vœu…
Et Midas demande alors la faculté de transformer en or tout ce qu'il touche…

Le problème est qu’il devint ainsi incapable de manger et de boire.
Il supplia Dionysos de reprendre son présent.
Rien n’y fit.

En 1957 en Turquie, à Gordion, des archéologues ont fait une immense découverte.
Une tombe datant de 750 à 700 avant notre ère dans laquelle reposait sur une épaisse couche de vêtements bleus et mauves (couleurs de la royauté) le corps d’un homme : Midas, le légendaire roi de Phrygie.

Une collection de 157 tonneaux et gobelets en bronze accompagnaient le défunt.
Ne disposant alors d’aucune technologie permettant d’analyser les éventuels restes de breuvages, les échantillons furent conservés jusqu’à ce qu’un certain Patrick Mc Govern maitrise cette technique… 47 ans plus tard…

Si les traces d’alcool avaient disparu, certaines substances de boissons fermentées demeuraient : de l’acide tartrique (dihydroxybutane), des sels, de la cire d’abeille, de l’oxalate de calcium, de vin, de raisin, de miel et de bière d’orge

Un an plus tard, le brasseur Sam Calagione de la Dogfish Head Brewery, mis au défi, a reconstitué et lancé une bière selon la recette délivrée par Patrick Mc Govern. La « Midas Touch » titrant 9 %, brassée à base d’orge, de raisins muscats blancs et de miel de fleurs sauvages. A la place du houblon (utilisé dans la bière en Europe qu’aux alentours du 15ème siècle), il a ajouté du safran pour augmenter l’amertume et compenser la couleur du miel et de l’orge.


La "Midas Touch"

3 - La Cervoise, la Bière gauloise



Biere Gauloise Bibracte

A l’origine, il n’y pas de vigne chez les Celtes.
Le vin nous vient des grecs puis des Romains. Toutefois, les Gaulois aiment bien ça et l’échangent contre d’autres marchandises de tous ordres, même des esclaves…
Seulement, le vin est cher et reste le privilège d’une élite gauloise.

La bière en revanche est plus populaire et l’on imagine aisément que la cervoise est « la » boisson de nos ancêtres les Gaulois. On les imagine sans peine la consommant à tous les repas… et plus…

Cette boisson est considérée comme « du vin d’orge », sans houblon, qui ne fera son apparition qu’au XVème siècle, mais additionné d’épices tel la coriandre, la gentiane, ou encore la lavande.

Plus concrètement, les céréales conservées par les Gaulois avaient tendance à germer au contact des parois des contenants.
Ce faisant, elles dégageaient suffisamment de gaz carbonique pour éviter que la germination ne s’étende à tout le stock. (Le gaz carbonique protégeait les grains de l’oxydation).

Un jour, un Gaulois (ou une Gauloise…) eu l’idée de faire griller les grains germés, peut-être pour pouvoir les conserver un peu plus longtemps… Le malt était prêt !
Et le temps de grillage définira la couleur de la cervoise…

Et là, nous recommençons ce que nous avons vu avec la bière égyptienne :
Des pâtons frais de d’orge et/ou de froment confectionnés et placés dans des fours le temps de faire dorer la croûte tout en laissant l’intérieur cru.
Des pains justes dorés qui sont ensuite émiettés dans une grande cuve remplie d'un liquide sucré confectionné avec de l'eau et des dattes.
C’est là que le « brasseur » entre à nouveau en scène, piétinant le mélange de la cuve jusqu’à le rendre homogène… Etc…
Le brassage sert à transformer l’amidon en sucre, la mutation est largement favorisée par les enzymes et bactéries contenues dans le malt d’orge.
Les Gaulois ne le savaient peut-être pas mais ils avaient compris qu’il fallait brasser.

C’est plus tard, le 1er avril 1435 avec l’arrivée du houblon, que la boisson prendra officiellement le nom de « Bierre » (avec 2 r) dans une ordonnance du roi Jean II le Bon.

Cette ordonnance défini l’utilisation de ce terme pour une distinction entre la « Bierre » houblonnée et la cervoise et recommande aux brasseurs de faire « de bonnes et loyales cervoises et bières sans y mettre que graine, eau et houblon ».

4 – Le Conditum (Conditum Paradoxum)


Un actuel Conditum

La composition du Conditum est donnée dans le Livre 1 de « De Re coquinaria » (nom donné à une compilation de recettes culinaires romaines en dix livres constituée à la fin du 4ème siècle) et réalisée par Apicius, membre de la haute société romaine dont l’existence est attestée sous les règnes des empereurs Auguste et Tibère.

Les traductions de cette recette offrent de nombreuses variantes
A noter que dans les textes antiques, le terme de lagoena (lagona) paraît le plus couramment employé pour désigner la cruche à servir le vin, en métal ou en terre cuite et que le terme « cratère », forme de vase généralement en bronze est aussi utilisé.

Voici la recette « originale » du « Vin merveilleux épicé » proposée par :
http://taanith01.free.fr/fco07066.htm

« L'on met 16 livres (5,184 kg) de miel dans le vase de bronze, où précédemment ont été versés 2 sestères (108 cl) de vin de manière que le vin se réduise durant la cuisson du miel.

L'on fait chauffer sur un feu doux du bois bien sec et durant la cuisson l'on mélange avec un bâtonnet, s’il recommence à bouillir l'on casse l'ébullition avec un jet de vin, mais le liquide cesse de bouillir même lorsque on l'enlève du feu.

Lorsqu’il s'est refroidi on le remet sur le feu, l'on procède ainsi deux ou trois fois.

À la fin on l'enlève du feu et l'écume le jour successif.

Alors on ajoute 4 onces (108 gr) de poivre haché, 3 scrupules (3,375 gr) de mastic(?), 1 dragme (3,375 gr) de feuilles de nard et 1 (3,375 gr) de safran, 5 noyaux toastés des dattes et les dattes trempées dans le vin, on l'arrose avant avec du vin de qualité et en quantité suffisante afin que le mélange résulte doux.

Effectuée cette opération, l'on verse sur le tout 18 sestères (972 cl) de vin doux, l'on mettra ensuite dans le composé obtenu les charbons ardents. »

Voici celle proposée par Bill Thayer :
https://penelope.uchicago.edu/Thayer/E/Roman/Texts/Apicius/1*.html

« La composition de cet excellent vin épicé est la suivante.
Dans un bol en cuivre, mettez 16 sextarii (5,184 kg) de miel et 2 sextarii (108 cl) de vin; chauffer à feu doux, en remuant constamment le mélange avec un fouet.

Au point d'ébullition, ajoutez un peu de vin froid, retirez du feu et écumez.

Répétez cette opération deux ou trois fois, laissez reposer jusqu'au lendemain et écumez à nouveau.

Ajoutez ensuite 4 onces (108 gr) de poivre broyé, 2 ou 3 scrupules (3,375 gr) de mastich, un drachme (3,375 gr) de feuilles de nard ou de laurier et de safran, 5 drachmes (16,875 gr) de pierres de dattes grillées broyées et préalablement trempées dans du vin pour les adoucir.

Lorsque cela est bien fait, ajoutez 18 sextarii (972 cl) de vin léger.

Pour le clarifier parfaitement, ajoutez du charbon de bois broyé aussi souvent que nécessaire, ce qui rassemblera le résidu et filtrera ou filtrera soigneusement à travers le charbon de bois ».


Et voici la recette actualisée proposée par Légion 8 Augusta :
https://leg8.fr/recette/vin-rouge-aux-epices/

Tout d’abord, prenez une base de vin rouge ordinaire (un cubi de 5 L de merlot) et 500g de miel de fleur. Surtout, évitez de gâcher du bon vin !
Mélangez 5L de vin à 500g de miel puis reconditionnez dans 5 bouteilles de 75 cl, gardez le reste dans le contenant du mélange.

Faites goûter à vos convives les préparations suivantes (préparées au moins 3 jours à l’avance, plus vous attendrez, plus le gout sera prononcé) :

- Juste le vin rouge et le miel (dans le contenant d’origine). Il s’agit de votre base pour bien voir se dégager les arômes des autres bouteilles.
- Dans une bouteille de mélange vin et miel (75 cl de vin, pour 75g de miel), ajoutez-y 2 graines de cardamome ouvertes.
- Dans une bouteille de mélange vin et miel (75 cl de vin, pour 75g de miel), ajoutez-y 2 clou de girofle.
- Dans une bouteille de mélange vin et miel (75 cl de vin, pour 75g de miel), ajoutez-y de la cannelle en poudre (1/2 cuillère à café). Idéalement, il faut gouter ce mélange juste après le mélange n°1 pour bien sentir la cannelle.
- Dans une bouteille de mélange vin et miel (75 cl de vin, pour 75g de miel), ajoutez-y 2 graines de cardamome ouvertes, deux clous de girofle et du poivre noir moulu (1/2 de tour de moulin à poivre).
- Dans une bouteille de mélange vin et miel (75 cl de vin, pour 75g de miel), ajoutez-y 2 graines de cardamome ouvertes, deux clous de girofle, du poivre noir moulu (1/2 de tour de moulin à poivre) et de la cannelle en poudre (1/2 cuillère à café).

Cette expérience permet d’apprécier tous les arômes des différentes plantes et épices présents dans le vin. Les préparations se dégustent à température ambiante.
Filtrer si besoin.


Composition du Conditum

5 - Le kykeon (aussi appelé « Cycéon »)

Il y aurait même une certaine similitude entre le Cycéon (ou Kykeon) et la Ptisane.
Le Cycéon serait fait avec du gruau d’orge « dégermé » et la Ptisane avec de l’orge « mondée » (dont la pellicule enveloppant la graine est enlevée, alors que le germe et le son sont conservés).

Le nom « Cycéon » viendrait grec « ????? » (remuer) et la Ptisane du grec « ptisánê » (qui nous aurait amené le mot « tisane » et qui signifie « Brouet »), ce qui annonce une semblable texture.

C’était un mélange qui se situait entre la boisson et la nourriture, composé de gruau d'orge allongé d'eau et auquel était ajouté des herbes, des aromates, du laitage et… du vin.
La consistance de ce curieux assemblage nécessitait, avant de le consommer, de le remuer afin d’éviter tout dépôt des composants solides, d’où le nom.

Ces breuvages correspondaient alors à l’alimentation quotidienne du peuple grec.
Ce qui en faisait la boisson préférée des antiques paysans grecs, il fut, pour cette raison, délaissé par les aristocrates.


Le Kykeon, boisson des paysans grecs

Le Kykeon est entouré de nombreux mythes et légendes.
Il est déjà mentionné dans les textes homériques.

Ainsi dans l'Iliade, Homère le décrivait « composé de vin pramnien (ou Pramnium vinum, célèbre vin grec de l'Antiquité, du territoire de Smyrne), d’orge et de fromage de chèvre râpé ».

Dans l'Odyssée, Homère fait intervenir Circé, sa puissante magicienne, pour y ajouter du miel ainsi que sa potion magique.

Dans l'hymne homérique à Déméter, la déesse refusa le vin rouge mais accepta le kykeon, qui là, était composé d'eau, d'orge (de farine) et de pennyroyal (de la menthe pouliot).

Le philosophe grec Héraclite aurait dit du Cycéon qu’il était « le symbole de l'union des contraires rendue possible par le mouvement ».

Le Kykeon, qui était censé avoir quelques propriétés digestives, était également recommandé par Hermès à quelques héros qui aurait mangé trop de fruits secs et de noix.

Toutefois, les « Mystères Eleusiniens », initiations organisées chaque année pour le culte de Déméter et Perséphone dans la Grèce antique, ont soulevé bien des questions.

Pendant près de deux millénaires, certains participants auraient présenté des symptômes étranges liés à la cérémonie.

Les fouilles récentes réalisées dans un temple dédié aux deux déesses éleusiniennes sur le site de « Mas Castellar » (Gérone, Espagne), ont permis une découverture étayant la plus probable des possibilités…

Des fragments d'ergot, un champignon contenant du LSD (comme les alcaloïdes psychédéliques), ont été trouvés à l'intérieur d'un vase et dans le tartre dentaire d'un homme de 25 ans, prouvant que l'ergot avait été consommé.

Cette découverte, a permis d’identifier les propriétés psychoactives ayant provoqué les « expériences » vécus par les participants, expériences rapportés mais jamais expliquées.

L'orge utilisée dans le Kykeon était parasitée par l'ergot.

6 - La Posca

Chez les légionnaires romains, la gourde était un instrument de haute importance.
Elle contenait ce fameux breuvage qu’était la « Posca ».

La recette était simple : de l'eau et du vinaigre, en fait du « vin aigre » (vinum acer).

Il est parfois avancé que la Posca était une boisson réglementaire, fournie par les services de l'intendance.

Il était difficile à l'époque de conserver le vin comme nous le connaissons aujourd'hui.
Ainsi les romains (comme les grecs) l'ajoutaient-ils à leur eau et contribuaient à la rendre plus rafraîchissante et surtout à en éliminer quelques bactéries...
Il semblerait que ce breuvage, agrémenté de fruits, d'herbes ou de fleurs, était déjà consommé en Mésopotamie 3 000 ans avant notre ère.

Le seuil entre « vinaigre » et « vin piqué » n'étant pas vraiment définissable, (on utilisait parfois du vin en train devenant vinaigre), il est admis, par commodité, que la Posca « est de l'eau acidulée par une très petite quantité de jus de raisin suivant sa pente naturelle, qui est de finir en vinaigre et non en vin… »

Voilà ! Ça ne change rien ni à la recette, ni au résultat…

7 - Le shedeh (ou « Chedeh »)

Cette boisson était différente du traditionnel « Irep » que les Égyptiens consommaient régulièrement.

Si l’on se réfère au nombre d’amphores découvertes dans sa tombe, cette boisson était sans doute la préférée de Toutankhamon.
Et si l’on en croit Howard Carter, on en aurait découvert « 3 douzaines », selon Pierre Tallet c’eut été « 25 soigneusement bouchées » et selon Nicholas Reeves, « 24 de près de 80cm et munies de deux anses et au moins 5 de 50 cm et n’ayant qu’une seule anse » .

Ce vin liquoreux était probablement fabriqué à partir de plusieurs produits fortement alcoolisés et contenait beaucoup de miel mais doit-on croire que quelques millénaires plus tard, la seule proximité de ces amphores ait pu avoir une quelconque action sur les chercheurs pour les « déchirer » à ce point ?
Un tel écart dans la liste du contenu de la sépulture laisse septique…

Toutefois, si l’on compare avec les découvertes faites dans la tombe de l’un de ses prédécesseurs de la « dynastie 0 », Scorpion 1er, Toutankhamon (XVIIIème dynastie) ne jouait pas dans la cour (dans la cave) des grands.
Chez Scorpion 1er, ce sont 700 jarres à vin qui auraient été retrouvées, soit l’équivalent de quelques 4 500 litres…

Pour ce qui est de sa composition, il a longtemps été dit que le Shedeh était élaboré à partir de grenades fermentées.
De récentes découvertes viennent contredire cette supposition et suggèrent qu'elle était préparée à partir de raisins et plus précisément de raisins rouges.
Mais c’est tout ce que nous savons.


Le Shedeh de Toutankhamon

8 - Le pulque

Le pulque est considéré comme l’ancêtre de la tequila.

Le pulque était jadis un élément primordial de la vie rituelle et permettait aux participants d’atteindre rapidement un état « second » facilitant la communication avec les divinités.
A tel point que ce breuvage sacré était, parait-il, donné aux guerriers vaincus avant qu’ils ne soient immolés. C’est dire l’effet qu’il pouvait avoir…

C’est une boisson alcoolisée fabriquée de façon traditionnelle dans la vallée de Mexico.
Il est issu de la fermentation partielle de la sève d’agave.
Son degré d'alcool se situe entre 6 et 8 degrés.

Le pulque (ou maguey) est castré par suppression du pédoncule central après 8 à 12 ans de pousse.
C’est à la place de ce pédoncule que, pendant environ quatre mois, suintera l'aguamiel.

Ce liquide est ensuite extrait du cœur, stocké dans des cuves où il fermentera pendant 24 à 36 heures.
Cette fermentation réalisée, l’aguamiel devient du pulque prêt à être consommé et envoyé dans les pulquerias.

Pour obtenir un pulque plus alcoolisé, il est courant d’y ajouter du mezcal ou encore de la tequila.
Et pour le rendre plus agréable, on le mélange à du jus de goyave, d’ananas, de l’eau de coco ou du jus de tomate.

Après l’apparition de la bière dans les années 1920, les autorités locales ont décidé de la substituer au Pulque au prétexte qu’il était « antihygiénique » et « cause de dégénération » des travailleurs… La bière représentait alors la modernité…

La consommation du pulque diminua rapidement et le pays ne proposa plus que quelques « pulquerias ».

Toutefois, cette antique boisson, après avoir été longtemps dédaigné et ramenée à une « boisson de pauvre » par la société mexicaine, est en train de se refaire une nouvelle jeunesse.


Image Pulque et Agave
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9 - Le soma

Le Soma est une boisson enivrante (à usage sacrificiel).

Elle est obtenue par pressurage des tiges d'une plante désignée sous le même nom.

A l’origine, la légende raconte que cette plante avait le ciel pour patrie, mais qu'elle ne croissait sur terre que sur les montagnes.

Ce sont prêtres qui fabriquaient le Soma en pressant des pousses entre des pierres.

Le jus, doux et brunâtre, était filtré, mélangé avec du suc d'orge et du lait pour être offert aux Dieux… et procurait un état d'extase passagère, car il semble que les dieux n’étaient pas les seuls à le consommer…

Chez les Hindous, ce breuvage était notoirement connu pour atteindre l'immortalité mais aussi pour acquérir des pouvoirs surnaturels.

Il paraitrait même que ce breuvage était vénéré à l'égal d'un dieu.

La composition de ce breuvage n’est pas totalement identifiée mais il semblerait toutefois que, d’après les analyses récentes, le mélange ait été probablement composé de … Accochez-vous, d'amanite tue-mouche (Amanita muscaria L.) ou d'éphédra (Ephedra sp. et Ephedra intermedia L.)…
Pas étonnant que la communication avec les Dieux ait pu être « précipitée »


Ne faites aucun essai avant d’en savoir plus.

10 - Le vin falernien (ou vin de Falerne)

Le falerne était un vin de l'Antiquité produit dans la province de Caserte, dans le Sud-Ouest de l’Italie.


Cruche de vin Falernien

Ce vin était autant glorifié par le poète Horace que décrié par Pline l’ancien.

Le premier affirmait qu’il avait acquis « un haut degré de bonté par la culture » , le second considérait « qu’il s’était abâtardit en recherchant plutôt la quantité que la qualité ».
Il n’aurait d’ailleurs pas hésité à dire que « l'immoralité est si grande qu'on ne vend plus que les noms des crus et que les vins sont frelatés dès la cuve… ».

Pline avait sans doute raison lorsque l’on sait que ce vin nécessitait d’être conservé au moins 15 ans avant d’être consommé. Il était même courant, parait-il, de boire du vin d'amphores de 25 ans d’âge voire même jusqu'à 100 ans en de grandes occasions.

Le débat sur les cépages originels utilisés n’est pas clos. Les défenseurs de la présence des ancêtres des actuels Côtes-Roties, Hermitage, Syrah, Montdeuse ou Pinot noir n’ont pas dit leur dernier mot.

Quant à la méthode de vinification elle passait d’abord par un foulage aux pieds puis passage des restes au pressoir.

Le jus était placé dans les dolia, antique jarre pouvant contenir jusqu'à 3 000 litres, où il fermentait.

En théorie, par cette méthode, il n’y avait pas de problème pour obtenir du vin blanc. (à partir de raisins blancs ou à partir de raisins noirs à pulpe blanche) .
Mais comment obtenir du vin rouge ?
Cette couleur ne s’obtient que par une macération de quelques jours (ou quelques semaines) grâce aux peaux du raisin.

Sans doute était-elle due à une longue exposition au soleil avec des restes de grappes ?
C’est probablement la raison puisque quelques textes anciens conseillent « de ne placez les couvercles de jarres que 30 jours après l'entonnage, quand elles ont rejeté toutes les peaux ».

Globalement, la fabrication du vin falernien était assez classique, toutefois, certains prétendent que cet excellent vin avait un taux d’alcool si élevé qu’il en était… inflammable.

Là encore, méfiez-vous

11 - La Retsina

A boire très frais…


Une bouteille de nos jours

La Retsina, ou vin résiné, serait une spécialité grecque vieille de 2000 ans (il parait même 4000 ans…).

L’origine viendrait de l'étanchéité des amphores à vin qui était compensée par un enduisage interne à la résine. C’est cette intervention qui aurait donné le goût et le nom à la Retsina.

Par la suite, les amphores ayant été supplantés par les tonneaux, l’idée vînt donc d’ajouter de la résine de pin afin d’en retrouver la saveur particulière

C'est un vin blanc sec léger (qui, de nos jours, titre entre 10 et 13°) à base de cépage Savatiano cultivé dans le centre de la Grèce et auquel sont ajoutés un cépage Rhoditis et Assyrtiko pour en réduire l’acidité, ainsi donc que de la résine de pin (de pin d’Alep) au cours de la fermentation.

Cette dernière, éliminée par la suite, agit également comme un stabilisant.

Pline l'Ancien en faisait recommandation dans son « Histoire Naturelle ».

Il est aussi dit de ce vin qu’il est « Infusé à la résine de pin »

12 - Le Passum

Le Passum était un vin dit « de paille », fait de raisins secs, étendus à sécher au soleil.


Un Passum d'aujourd'hui

La technique appelée « passerillage » était déjà utilisée dans l’antiquité par les Grecs.
Cette exposition au soleil permettait au raisin de perdre de son volume d’eau et se concentrer fortement en sucre.

Lors du pressurage, 100 kilos de raisins ne rendaient que seulement 20 litres de jus mais sa concentration en sucre pouvait atteindre jusqu’à 300 grammes par litre…

Diderot, précise également dans son Encyclopédie, que « les anciens se servaient beaucoup de ce vin dans les maladies ». Mais nous ne savons pas lesquelles…

De son côté, Pline (dans les vins de liqueur) parle du Passum comme d’un vin cuit obtenu à partir de raisins séchés au soleil.

En 1933, lors des fouilles de la « maison de Ménandre » à Pompéi (A. Maiuri, La casa del Menandro, 1933), une amphore de type rhodien a dévoilé ces inscriptions : « PASS(um) RHOD(ium) », passum des Rhodiens

Plus récemment, en 1981, une amphore crétoise a inopinément été mise à jour lors de la construction d’un lotissement aux alentours de Roquemaure (Gard). Elle comportait les inscriptions : « PASSUM VIN ».

L'importation de ces vins provenant des îles de Méditerranée (Rhodes, Cos, Chios...) remonte au Ier siècle de notre ère.

Le vin de Cos, comme celui de Rhodes, était préparé à l’eau de mer, ce qui valait sans doute à cette boisson un goût original.
Cette particularité rejoint les habitudes romaines qui ne concevaient pas de boire du vin pur et le servait couramment, parait-il, coupé d'eau chaude, d’eau de mer ou de… neige (faute d’avoir des glaçons…)

Maintenant, quel était le véritable goût du Passum… ?

13 - L’hydromel

Les Dieux de l’Olympe, Zeus et ses compagnons, ne buvaient, parait-il, que de l’Hydromel : « Le Nectar des Dieux ».
C’est une boisson fermentée composée d’eau et de miel : hudôr (eau) et meli (miel).

L’hydromel serait apparu pour la première fois au Danemark, pays des Vikings, à l’âge du bronze et était également très apprécié dans la Gaule antique.


Une cave à Hydromel

Ce serait l’une des premières boissons alcoolisées consommée par l’homme.
Aristote en décrit une recette vers 350 avant notre ère.
Hippocrate quant à lui, pensait qu’il avait une action sur les voies respiratoires et calmait la toux… Sans doute surtout en raison du miel largement représenté dans ce breuvage.

L’hydromel est fabriqué simplement (quoique pas si simplement…) à partir d’eau pure et de miel fermenté et de quelques levures.

Petite différence entre Chouchen et Hydromel :
Si l'Hydromel est travaillé à froid, le Chouchen, quant à lui est travaillé à chaud et se verrait ajouté du moût de pomme à la préparation de miel.

Sachez aussi que, l'expression « lune de miel » viendrait des antiques cérémonies du mariage au cours desquelles l'union des époux était fêtée en consommant de l'hydromel, et que, pour faire un vinaigre sucré à partir de l'hydromel, il suffit d’y ajouter une mère de votre vinaigrier préféré… et d’attendre un mois (environ).

14 - Le Pimen (ou Claret)

Un vin appelé « Pimen » est cité au XIIème siècle par le poète Chrétien de Troyes.


Ça existe toujours...

En 1250, ce serait un certain Robert de Montpellier, dont il est difficile de retrouver une trace, qui aurait été mandé auprès d’Henri III d’Angleterre afin de préparer « le giroflé et le claré ».

A la fin du 13e siècle, le « Tractatus de Modo », un manuscrit de recettes rédigé en latin parle de « Confectio pigmenti uel clareti ».

En 1307, c’est Arnaud de Villeneuve, un médecin et théologien catalan qui recommande le « Pimen » pour les malades dans son « régime de santé » ( Regimen sanitatis).

On ne connait pas les ingrédients nécessaires à la confection du « Pimen » mais, en 1347, l'abbaye cistercienne de St Marcel aurait acheté 15 onces gingembre, 12 onces cannelle, 1 once et demi de girofle, 3 quarterons de graines de paradis (aussi appelés « not ycherea »), 2 onces de spica nard (nard indien) ainsi que 3 quarts de miel, quantités utiles pour la fabrication de 3 barils de « Pimen ».

Toutefois, certaines compositions laissent entendre que la boisson pourrait aussi contenir de la muscade, du macis, du cubèbe, du poivre long, du garingal et du zédoaire (curcuma zédoaire) mais sans en préciser les proportions.

Le « Pimen » aurait-il laissé la place à l’Hypocras ?

15 - L'hypocras

C’est probablement le plus connu.
Ypocras, ypocrasse, hipocras, hipocrás, hippocrass, ipocras, ippocrasso, hypocras, hypporcas et peut-être d’autre orthographes encore, mais il s’agit de la même chose.


Une antique recette

Son nom viendrait du grec « hypos » (sous) et « crasis » (mélange) ou peut-être du grec « hupokeraston » (légèrement mélangé).
Elle aurait aussi peut-être été inventée par le médecin grec Hippocrate, d’où son nom, à vous de choisir.

L’hypocras est une ancienne boisson à base de vin, sucrée et aromatisée aux épices.

Selon le traité d'Apicius (Marcus Gavius Apicius, figure de la société romaine, -25 à +37 de notre ère, connu pour les plaisirs de la table et ses anecdotes de gastronome), mais aussi selon Pline l'Ancien (23 à 79 de notre ère), le vin épicé était déjà largement consommé dans la Rome antique.

En mars 2015, des travaux archéologiques sur la commune de Lavau (Aube) ont mis à jour les vestiges d'une tombe princière celte et attesté qu'un mélange de vin, de miel et d'épices était aussi déjà consommé par les Celtes entre -820 et -450 avant notre ère.

Durant tout le moyen âge, cette boisson semblait très appréciée.

Au XIVème siècle, c’est dans « The Forme of Cury », un livre de recettes anglais que l’on retrouve l’Hypocras.


The Forme of Cury

Au XVème siècle, c’est en 1486, dans le « viandier » de Guillaume Tirel (dit Taillevent) que l’on retrouve une recette de ce breuvage.

    
Le viandier de Taillevent

Mais alors, quelle est cette boisson ?
C'est un apéritif (ou un digestif, c’est selon…), que les médecins prescrivent fréquemment pour aider à la digestion.

La réputation de l’hypocras était telle qu’il tablait dans la majorité des banquets et qu’il avait même autant de valeur que les confitures de l’époque.

L'hypocras médiéval est un breuvage de vin et de miel auquel on ajoute épices et herbes aromatiques.

Il est même dit que cela le faisait interdire dans les monastères…
Peut-être parce qu’il aidait les moines à oublier leurs tristes conditions d’isolement ?
Ou pire ?

L’utilisation des épices, outre la particularité de parfumer intensément le vin, avaient surtout le pouvoir de camoufler les défauts d’un vin oxydé au contact de l’air puisque mal conditionné et ne disposant pas d’un bouchon, bien connu de nos jours.

Certaines recettes d’hypocras sont aussi appelées « Clairets » (ou Clarets), y aurait-il une relation de cause à effet ?

En résumé, de nombreuses recettes ont fleuries, intégrant des agrumes, des fruits secs ou encore de l'ambre gris (concrétion sécrétée par le cachalot, eh oui…).

La cannelle et le gingembre quant à eux seraient indispensables.

Plus simplement, la recette consisterait en un vin fortement sucré, avec du miel ou du sucre, à raison de 200 grammes pour trois litres de vin environ, auquel sont ajoutés des épices.

La préparation est laissée au repos puis filtrée avant d'être mise en bouteille et bien bouchée.

L'hypocras peut ainsi se conserver plusieurs années (si on résiste…).

Aujourd'hui on peut facilement en trouver chez des producteurs de miel, dans les (rares) boutiques médiévales mais aussi et surtout dans les fêtes médiévales où il a fier succès.

Et pour terminer…

Il n’y a pas si longtemps, le vin était un produit de première nécessité et les apéritifs à base de vins cuits étaient excellents pour la santé…

Et puis les choses ont évolué.
Ces 2 « réclames » comme l’on disait alors vous en donne un exemple.

    
Images Galica

Alors, c’est vous qui voyez…

Sources documentaires

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